Ces cinq dernières années, l’importation des vins blancs a progressé de 15% en Suisse, et même de 5% rien qu’en 2015 (lire encadré). Et cela au profit des vins blancs espagnols (+27%) et italiens. Les grandes surfaces proposent presque toutes des vins blancs «continentaux», soit du centre de l’Espagne (Rueda), soit du nord de l’Italie (Piémont). A l’exception d’un albarino de la région du nord de l’Espagne, en appellation Rías Baixas, et d’un vin de Gavi – certes au Piémont mais du cépage cortese –, tous les vins du tableau sont soit des verdejo, soit des arneis, deux variétés autochtones dans leur région de provenance.
La renaissance récente du verdejo
Rapidement, en moins de trente ans, la Rueda est devenue un grand pourvoyeur de vins blancs. Le fameux œnologue français, Emile Peynaud, avait même recommandé de planter du sauvignon blanc, dans cette région au cœur de l’Espagne, dans la province de Valladolid. Jadis, on y produisait des vins blancs doux ou rouges. Puis, le dictateur Franco, dans la première moitié du XXe siècle, décréta qu’il fallait arracher ces vignes et les remplacer par des céréales.
Dans les supermarchés suisses, les vins de la Rueda sont issus du cépage verdejo, qui occupe 70% de ce vignoble, sur un haut plateau à 900 mètres d’altitude. On peut soupçonner, dans l’un ou l’autre vin, 15% d’ajout de sauvignon blanc, pour augmenter la tonicité aromatique. Mais tous les vins dégustés affichaient, au dos de la bouteille, l’estampille «verdejo».
Quant au Piémont, sait-on que, sur les 36 000 hectares de vignoble, près de 15 000 sont plantés en blanc, soit l’équivalent de l’entier du vignoble suisse, rouge et blanc confondus? L’arneis, signalé dès 1432, a failli disparaître dans les années 1970, puis a été relancé trente ans plus tard dans la dénomination d’origine contrôlée et garantie (DOCG dès 2004) Roero, commune au rouge et au blanc, sur 800 ha.
Des blancs vifs et frais
A quoi doivent ressembler les vins de verdejo? Ce cépage tardif donne des vins de haute qualité, aromatiques et riches. Et l’arneis? Les décrets d’appellation italiens donnent toujours un profil aromatique type. Celui de l’arneis tient en peu de mots: au nez, le vin doit être délicat et frais et, en bouche, élégant et harmonieux!
Même si le jury connaissait l’origine des uns et des autres, les commentaires de dégustation sont assez proches. Les verdejos expriment davantage d’arômes et de complexité que les arneis: trois d’entre eux se détachent en tête, devant l’outsider basque, et le premier arneis, tous notés un peu plus de 14/20. La moyenne de la dégustation est élevée et tous les vins retenus dans le tableau sont du millésime 2014.
Qu’ils soient espagnols ou piémontais, ces blancs ont davantage d’acidité et de nerf que le chasselas national, et exhalent des parfums exotiques, d’agrumes notamment, toutefois moins complexes et puissants que ceux de la petite arvine valaisanne. Ces vins ne sont pas destinés à vieillir: le bouchage est constitué d’une capsule à vis, d’un bouchon plastique ou un de liège aggloméré. Et, de fait, ils s’apprécient sur leurs arômes jeunes et frais.
On notera que, tant pour le verdejo que l’arneis, c’est le flacon le plus cher, acheté chez Globus, qui l’emporte. Mais deux verdejos, le seul de Denner et l’un de Coop, à moins de 9 fr., se classent ex æquo à la deuxième place. Ces prix sont à mettre en regard de la valeur d’importation au litre déclarée en douane. Si ces montants sont réellement le prix payé par les importateurs, la marge réalisée est… juteuse, surtout en période de franc fort!
Pierre Thomas
L’importation progresse encore
Les chiffres viennent de tomber, communiqués par les douanes suisses: avec 35 millions de litres, l’importation des vins blancs a progressé de 4,8% en 2015. Les blancs représentent 22% des importations, les rouges 78% (124,5 millions de litres). La baisse de la productivité des vins suisses, avec de petites vendanges en 2013 et 2014, explique la progression des importations, sachant que les Helvètes boivent, en gros, deux tiers de rouge pour un tiers de blanc, une proportion inchangée depuis plusieurs années.
Pour les vins blancs importés en bouteille, l’Italie figure en tête, avec 7 millions de litres, pour une valeur de 32 millions de francs (4.60 fr. le litre), devant la France, 3,7 millions de litres, pour 33 millions (8.90 fr. le litre), et l’Espagne, 1,8 million de litres, pour un peu moins de 8 millions (4.60 fr. le litre). S’y ajoutent, pour l’Espagne, 6 millions de litres acheminés en vrac pour la valeur déclarée très modeste de 2 millions de francs (0.33 franc le litre)!
Le marché suisse occupe le 7e rang pour les vins du Piémont, le 5e rang pour les vins de la Rueda et le 8e rang pour Rías Baixas. Mais cela représentait, en 2014, 841 000 litres pour la Rueda (7% de l’export) et seulement 115 000 litres (2% de l’export), selon les statistiques espagnoles.