Jamais les taux hypothécaires n’ont été aussi bas, et donc jamais non plus la tentation d’investir dans ses propres murs n’a été aussi forte. Aujourd’hui, il est possible d’acquérir une maison de 700 000 fr. (1) avec 20% de fonds propres, soit 140 000 fr. (2), et un «loyer» mensuel de 1797 fr. (7) bloqué durant cinq ans. Les charges sont, en effet, très faibles: un taux hypothécaire de 1,6% (4), un amortissement de la dette classique de 1% (5) et une réserve de 1% du prix d’achat (6) pour l’entretien.
De gros grains de sable peuvent toutefois rapidement venir bloquer ce bel engrenage, comme la déroute américaine des subprimes nous le rappelle actuellement encore.
- Hausse du taux hypothécaire
Disons-le clairement: au stade où ils en sont, il y a davantage de risques que les taux montent plutôt qu’ils ne descendent encore! Comme la plupart des nouveaux propriétaires ont choisi une hypothèque à taux fixe, ils n’ont cependant pas de soucis immédiats à se faire.
Toutefois, si ce n’est pas le cas ou que l’emprunt arrive à son terme et doit être renouvelé, l’addition peut rapidement s’alourdir. Imaginons, par exemple, que le taux passe de 1,6% à 4,5% (8): le «loyer» mensuel va alors atteindre 3150 fr. (9). Cependant, la banque ne va pas réagir, car elle a prévu une marge suffisante, en déterminant le revenu minimal de son client avec un taux historique moyen de 4,5%, quand bien même elle a concédé des conditions beaucoup plus avantageuses. Ainsi, notre exemple devait avoir un salaire mensuel (payé 13 fois) de 8723 fr. (10) pour obtenir son hypothèque, même si le taux effectif de l’hypothèque était de 1,6%.
En revanche, si la hausse est plus importante et atteint les hauteurs du début des années 1990, l’affaire peut rapidement se corser. Car, en plus de l’augmentation des charges, la banque peut estimer que la garantie n’est plus suffisante et exiger que son client rembourse proportionnellement une partie de sa dette.
Démonstration: comme on vient de le voir ci-dessus, avec un revenu mensuel de 8723 fr., notre propriétaire peut couvrir les frais d’une hypothèque de 560 000 fr. (3) avec un taux de 4,5% au plus, soit 3150 fr. par mois.
Scénario peu probable mais déjà vu: le taux monte à 6% d’ici à cinq ans. Après amortissement linéaire (5%), la dette a diminué à 532 000 fr. (11), mais les frais passent à 3710 fr. par mois (12). Il faut donc avoir un revenu mensuel de 10 274 fr. (13) pour les couvrir. Admettons que celui de notre propriétaire ait augmenté de 5% durant le même laps de temps. Il est donc de 119 070 fr. (14) et notre exemple se trouve face à un déficit du revenu annuel équivalant à 14 490 fr. (15). Il devra donc, si la banque l’exige (elle n’est pas obligée de le faire), verser 58 545 fr. (16) d’un coup pour corriger le tir.
- Baisse du prix de l’immobilier
Autre hypothèse: les Cassandre ont finalement eu raison et le prix de l’immobilier chute subitement de 30%, des extrêmes vus en 1989. Pour faciliter la comparaison, planifions ce cataclysme en 2017 également. Concrètement, cela revient à dire que la maison de notre exemple ne vaut plus que 490 000 fr. (17). La dette, amortissement inclus, est alors supérieure de 42 000 fr. (20) à la garantie sur laquelle compte la banque, qui pourrait demander le versement de cette différence pour retomber sur ses pieds. Mais elle pourrait aussi tenir un raisonnement encore plus cruel et, en sus, reprendre l’ensemble du calcul, exigeant 20% de fonds propres (18) en fonction de la nouvelle valeur. Elle ne prêterait donc plus que 392 000 fr. (19) et exigerait le remboursement de 140 000 fr. (21), auxquels s’ajoutent donc 42 000 fr. (20), soit 182 000 fr.! Les charges seraient alors certes réduites, mais atteindraient tout de même (avec un taux à 6% (22) 2870 fr. (23), au lieu de 1797 fr. aujourd’hui.
Pas de panique
Il y a toutefois peu de risques que les banques se montrent aussi intransigeantes. «A la suite des recommandations de la Finma, elles ont déjà serré la vis, confirme Frédéric Luescher, d'Immo-Consulting. Depuis l’été 2011, impossible de déroger aux 20% de fonds propres et les frais d'achat (5%) ne sont plus cécessairement inclus dans la dette. Impossible de dépasser la limite maximale de 33% des revenus. Les banques chercheront donc avant tout une solution avec leurs clients mais, si elles n’en trouvent pas, la réalisation forcée pourrait malheureusement être demandée».
Christian Chevrolet
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