En octobre 2011, le Danemark introduisait une taxe sur les produits alimentaires contenant plus de 2,3% de graisse saturée: viande, beurre, huiles, fromages, etc. Selon une étude des universités d’Oxford et de Copenhague, publiée en avril 2016, cette mesure a engendré une diminution de la consommation des dites graisses de 4%. Sur le plan de la santé, cela a permis d’éviter 123 décès par an (0,4% du total). Pour les enquêteurs, «la taxe a eu une contribution positive, mais mineure sur la santé publique au Danemark».
Pourtant, elle a été abolie par le gouvernement de centre-gauche en janvier 2013. Car la mesure aurait aussi eu de nombreux effets indésirables: le prix de certaines denrées, comme le beurre, a bondi (+ 9%), les démarches et le coût administratifs auraient été très lourds pour les entreprises, et les Danois franchissaient, semble-t-il, un peu trop allègrement les frontières pour faire leurs courses. Quelques mauvaises langues ajouteront que la gauche danoise, portée au pouvoir en septembre 2011, avait peut-être aussi quelques visées bassement électoralistes lorsqu’elle a supprimé cette taxe impopulaire.
Quoi qu’il en soit, la décision montre le paradoxe d’une solution positive en terme de santé publique, mais discutable du point de vue économique et social.
Impact sur le portemonnaie
Socialement parlant, l’impact financier potentiel, pour les couches les moins aisées de la population, qui sont aussi les plus touchées par la malbouffe, peut être conséquent. Car pour que le mécanisme produise ses meilleurs effets, il faut frapper fort. C’est du moins la conclusion à laquelle arrive Oliver Mytton, du British heart foundation’s health promotion research group. En 2012, ce dernier a analysé 30 études internationales sur le thème. Selon ce dernier, «les taxes sur le gras (fat taxes) peuvent améliorer la situation, mais seulement si elles ont un impact significatif sur les portemonnaie des consommateurs».
Or, d’autres portemonnaies, bien plus garnis, sont aussi menacés: ceux des industriels. Et si les taxes sur le sucre ajouté ou les graisses sont en discussion dans divers pays et ont été introduites dans d’autres, comme la Finlande ou la Hongrie, la résistance du lobby alimentaire, qui voit son juteux business menacé, promet d’être farouche.
Or, ce dernier peut notamment s’appuyer sur un rapport réalisé en 2014 pour le compte de la Commission européenne. Intitulé Taxes sur les aliments et leur impact sur la compétitivité du secteur agroalimentaire, le document relève qu’une taxe entraîne bien une diminution de la consommation des produits concernés, mais, à l’instar du gouvernement danois, il souligne aussi fortement une série d’effets pervers: les consommateurs risquent de se tourner vers des produits similaires moins chers, il pourrait y avoir un impact négatif sur l’emploi et l’investissement, etc.
La lutte contre la malbouffe est donc loin d’être gagnée. Pourtant, il y a urgence. Selon l’OMS, «l’obésité a atteint les proportions d’une épidémie mondiale: 2,8 millions de personnes au moins décédent chaque année du fait de leur surpoids ou de leur obésité».
Sébastien Sautebin