«J’étais au travail, le téléphone a sonné, j’ai écouté d’une oreille. Une voix envoûtante m’a insinué que j’avais gagné le gros lot.» C'est ainsi que Claudine* a accepté un abonnement de trois mois avec Euro-Lotto Tipp. Cette société privée schwytzoise organise depuis 2007 des communautés de joueurs à l’Euro Millions.
«La chance de gains est ainsi plus élevée», se justifie l’entreprise, qui oublie de préciser que les éventuels bénéfices sont généralement divisés entre les 99 joueurs de chaque communauté. Quelques grilles seulement sont remplies à titre individuel.
Un service cher payé
Le jeu en vaut d’autant moins la chandelle que la facture est salée. Pour trois mois, notre lectrice a payé 498 fr., soit 166 fr. par mois! Or, le Beobachter expliquait, en 2013, que 40% seulement des montants versés sont misés. Selon nos propres calculs, le pourcentage pourrait même avoisiner les 30%, soit moins de 150 fr. sur les 498 fr. déboursés par notre lectrice ! Euro-Lotto n’a pas répondu à nos questions sur ce point.
Quoiqu’il en soit, les agissements de cette société sont contestés depuis 2012. La Commission des loteries et paris (Comlot) a ouvert une procédure cette année-là, estimant qu’Euro-Lotto «viole le droit des loteries, ce qui met notamment en danger la protection des joueurs et contrevient au principe figurant dans la constitution et dans la loi selon lequel les bénéfices issus des loteries doivent être utilisés à des fins d’utilité publique».
D'incessants recours
Mais la société a riposté en contestant la compétence de la Comlot. L’affaire a fini devant le TF, qui, en 2015, a confirmé son aptitude. La Comlot a donc relancé la procédure et fixé, en octobre 2016, un délai de 180 jours à l’entreprise pour cesser ses «activités commerciales contraires au droit des loteries». Euro-Lotto a, alors saisi la Commission de recours et profiter de l'effet suspensif pour poursuivre ses activités.
«Une fois que la Commission de recours aura rendu sa décision sur le fond, Euro-Lotto a d’ores et déjà annoncé vouloir faire recours, le cas échéant», indique Pascal Philipona, directeur adjoint de la Comlot. De quoi permettre à la société d'harponner encore de nombreuses personnes en toute impunité.
Sébastien Sautebin
* Nom connu de la rédaction