«Dois-je conserver ou vendre mes actions?» Nombre d’investisseurs préfèrent s’en remettre aux recommandations des banques avant de prendre leur décision. Ça tombe bien! La boussole des analystes, mise à disposition par la Bourse suisse sur son site internet*, fournit les prévisions des établissements bancaires sur le futur comportement des quelque 200 actions qui composent le SPI (Swiss Performance Index). En un clic de souris, il est possible de savoir s’il vaut mieux acheter, vendre ou conserver ses titres.
Formidable! Mais ces conseils sont-ils vraiment plus fiables que les prévisions de Madame Soleil? Pour le savoir, nous avons vérifié si les recommandations de UBS, de Credit Suisse et de Vontobel, émises depuis janvier 2012, se sont vérifiées pour des actions phares, comme celles de Novartis, ABB, Nestlé, Dufry, Roche et Zurich Financial. Nous avons retenu ces trois établissements bancaires, parce qu’ils ont les plus grands départements d’analyse des marchés en Suisse.
A prendre avec des pincettes
Verdict: dans six cas sur neuf, l’objectif de cours des actions a été atteint dans le courant de l’année (voir tableau). L’exercice est donc plutôt réussi dans le cas présent, mais l’investisseur ne doit pas s’y fier les yeux fermés. Les recommandations des banques sont en effet étroitement corrélées au comportement du marché dans son ensemble. Or, l’année 2012 a été un excellent cru même si l’indice SMI s’est mieux comporté que les titres individuels: sa progression est en effet de 22% contre seulement 2% pour l’action ABB, par exemple.
La même prudence est requise pour les pronostics sur indices boursiers. Dans son Research Flash du 3 janvier 2012, Credit Suisse prévoyait, pour le 15 décembre de cette même année, un SMI à 6231 points. Le scénario le plus pessimiste descendait à 5502 points, le plus optimiste atteignait, lui, 6772 points. Contre toute attente, l’indice phare de la Bourse suisse est monté à 6903 points.
Walter Wittmann, professeur d’économie à la retraite, n’accorde donc que peu de crédit aux objectifs de cours et aux recommandations des banques. «Mieux un titre boursier se comporte et plus celles-ci préconisent son achat, rappelle-t-il.
Mais, en cas de doute, elles se contentent généralement de conseiller de conserver l’action et ne prescrivent que très rarement la vente.» On ne peut que lui donner raison! En février dernier, la vente n’a été recommandée que dans 37 cas seulement. L’achat de titres, en revanche, a été conseillé 177 fois et leur conservation 188 fois.
Conflit d’intérêts
Un résultat qui s’explique, selon le professeur Wittmann, par un conflit d’intérêts: «Lorsque l’investisseur vend ses actions, la banque n’encaisse que peu de frais de dépôt. Ancien analyste à Credit Suisse, Christopher Chandiramani, affirme, lui, qu’à sa connaissance «personne n’est jamais devenu riche en suivant les recommandations des banques». En 2000, il a d’ailleurs été licencié pour avoir publié un commentaire négatif sur Swissair. Un an et demi plus tard pourtant, le «grounding» de la compagnie helvétique avait plongé la Suisse dans la plus grande stupeur.
Chantal Guyon
*www.six-swiss-exchange.com
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.