Les taux hypothécaires au ras des pâquerettes font fleurir les rêves les plus fous. Pourquoi ne pas lorgner vers l’acquisition d’un mas en Provence ou d’un appartement en Côte d’Azur, au lieu de louer chaque année une maison de vacances? L’idée est d’autant plus tentante qu’on ne cesse de répéter que la pierre est une valeur sûre. Mais hormis celles et ceux qui ont touché un pactole à la loterie ou hérité de leur richissime oncle Albert, la question du financement reste centrale.
Démarche particulière
Pour l’achat d’un bien immobilier en Suisse, la démarche est toute tracée. Il suffit de visiter son banquier et ses concurrents – voire quelques assurances actives dans le domaine – pour négocier un prêt hypothécaire. Pour une résidence secondaire à l’étranger, l’approche est sensiblement différente. Démonstration avec la famille Pont qui souhaite acquérir un logement de vacances dans le Gard (F).
Naïvement, le père de famille contacte son banquier pour lui exposer fièrement son projet. La réponse est immédiate: «Désolé, mais nous ne proposons pas de prêts hypothécaires en France.» Position qui est généralement la même dans toutes les banques helvétiques, à moins – mais, c’est rare – qu’elles ne disposent de succursales dans le pays concerné. C’est le cas, par exemple, de la banque privée Credit Suisse France. «Mais cette offre s’adresse à des clients fortunés et désireux d’acheter des objets particuliers ou de luxe», précise Jean-Paul Darbellay, porte-parole de Credit Suisse. C’est donc râpé pour la famille Pont.
Allez voir sur place!
Les établissements suisses que nous avons contactés conseillent donc à leurs clients de contacter une banque locale. L’avantage, c’est que cette dernière connaît parfaitement les spécificités du parc immobilier régional et les subtilités de la législation française. L’inconvénient majeur, c’est que les taux hypothécaires ne sont pas aussi attractifs qu’en Suisse. A titre indicatif, les intérêts d’un prêts à taux fixe sur 10 ans tournent actuellement autour de 3% en France, contre 2,3% en Suisse.
L’autre solution, c’est de souscrire un crédit immobilier auprès d’une filiale suisse d’une banque française. On pense notamment au Crédit Agricole Financements Suisse SA qui en a fait l’une de ses spécialités. Selon les informations transmises par son porte-parole Christophe Mettler, les intérêts d’un taux fixe sur 10 ans se situent actuellement à 2,8% avec un apport minimal de 30% de fonds propres. Le financement conserve pas moins ses spécificités françaises: la durée maximale du prêt est de 30 ans et la dette doit être amortie avant que le propriétaire atteigne 70 ans.
L’avantage des propriétaires
Si la famille Pont était locataire de son logement en Suisse, elle devrait se contenter des pistes énumérées jusqu’ici pour financer son rêve. Mais, comme elle est propriétaire d’une villa en Gruyère, une autre option se dessine. Elle a la possibilité de revaloriser son bien et d’augmenter l’hypothèque de sa maison pour dégager des liquidités. «C’est sans aucun doute la meilleure des solutions. Car elle profitera ainsi des taux d’intérêts très intéressants qui sont appliqués en Suisse», concède Stéphane Defferrard, administrateur de la société de conseils en financement immobilier Defferrard & Lanz. Et en plus, il pourra déduire les intérêts de ses impôts.
Mais avant de siroter un muscadet sous le chant des cigales, les Pont vont néanmoins devoir s’assurer que l’opération est possible. Primo, ils devront justifier la revalorisation de leur villa en fonction des plus-values (travaux, etc.) apportées à leur bien, voire des variations du marché immobilier de leur région. Secundo, leur capacité financière doit être capable d’absorber la hausse du prêt hypothécaire, sachant que la charge des intérêts et de l’amortissement ne devrait pas dépasser un tiers de leur revenu annuel net. Et tertio, leur crédit hypothécaire ne doit pas intégrer des apports du 2e et 3e piliers puisque ces avoirs ne peuvent être consacrés à l’achat d’une résidence secondaire.
Si leur situation le permet, les Pont pourront donc financer leur maison de vacances grâce à l’augmentation de leur prêt hypothécaire. Ou, au pire, dégager les fonds propres nécessaires pour aller trouver un banquier français en toute quiétude.
Yves-Noël Grin