Au bout d’une journée entière passée chez les opticiens, force est de constater que les prix des verres sont complètement opaques! Les enquêteurs de Bon à Savoir, en collaboration avec l’équipe de On en Parle (RSR, La Première), ont en effet joué les clients curieux – mais pas connaisseurs – dans huit magasins de la région genevoise, ainsi que deux en France voisine, à Annemasse (voir tableaux ci-dessous). A chaque fois, ils ont présenté une ordonnance en demandant le prix pour changer de verres.
Bilan: chaque vendeur a proposé ce qui lui semblait le plus adapté, sans toutefois expliquer son choix au «client». Le mieux que l’on ait (parfois) obtenu est le nom du verre. Plus rarement ses qualités techniques et encore moins de détails ni de seconde offre. Du coup, nos enquêteurs, sans le savoir, se sont vu proposer des verres allant du plus simple au plus luxueux…
Les deux tableaux comparatifs ci-dessous (pour verres normaux et pour verres amincis, fréquemment suggérés) ne permettent donc pas de juger des tarifs sur la base d’un verre identique, mais uniquement des propositions qui nous ont été faites pour une même demande.
Hors-concours, les tarifs français indiquent qu’il n’est pas intéressant de traverser la frontière pour acheter ses lunettes (d’autant qu’elles ne sont pas remboursées par l’assurance – lire encadré).
Justifications tardives
Contactés après l’enquête, certains opticiens rivalisent d’ingéniosité pour expliquer qu’ils ne sont pas comparés avec des verres tout à fait identiques, allant même jusqu’à refaire eux-mêmes l’enquête chez les concurrents…
> Gérard Lindegger, indépendant, se dit perplexe quant aux résultats de l’enquête: «Vous ne mentionnez pas la marque et la qualité du traitement des verres dans votre comparatif. Merci de le faire afin d’être plus clair et plus objectif», écrit-il.
A qui la faute, alors que le devis donné par le vendeur ne précise aucune de ces indications?
> GrandOptical justifie ses prix par le choix de ses fournisseurs, la provenance des verres et la qualité de son service clients.
> Philippe Pédat, indépendant, se dit «découragé de les voir comparés à des produits de moins bonne qualité». L’opticien nous a en effet informé que son employé avait proposé un meilleur antireflets, combiné avec une couche antisalissures. Pareil pour les verres amincis, dont il avait choisi un degré d’amincissement (1.67) supérieur à celui proposé par ses concurrents (1.6), qui l’avaient tous jugé inutile. Dommage qu’aucune de ces données n’ait été communiquée à nos enquêteurs… M. Pédat déclare encore que «les indépendants se battent sur la qualité des produits et sur le service, et que les comparer aux chaînes n’est pas juste».
> Visilab juge l’enquête intéressante, «même si elle ne concerne qu’une partie des verres existants et ne s’intéresse pas aux progressifs.»
> Fielmann n’apprécie pas du tout sa place: «Nous souhaitons être meilleur et moins cher que les autres opticiens», écrit Thomas Löhr. Pour justifier son rang, il explique que les verres amincis proposés étaient de meilleure qualité (asphériques) que chez ses concurrents (sphériques). Pour en avoir le cœur net, il a lancé ses troupes dans quinze villes de Suisse, afin de contrôler les prix des concurrents. Résultat: la chaîne aurait été la moins chère en proposant des verres sphériques. Et en ne tenant pas compte du rabais de McOptic! Peut-être… Mais il est aussi utile de rappeler que jamais nos enquêteurs n’ont demandé des verres asphériques.
> Chez Optic2000, le vendeur aurait dû proposer une offre moins chère pour les verres normaux (ils sont plus chers que les amincis!). Néanmoins, le directeur suisse, Harro Lotz, est content du résultat «conforme au positionnement recherché, c’est-à-dire au centre par rapport à nos confrères. Nous ne sommes ni des discounters, ni les plus chers». Il précise que les différences de prix sont aussi liées à la qualité des traitements du verre.
> McOptic aussi est satisfait du résultat de l’enquête, surtout par rapport aux autres chaînes. «Notre structure permet de réduire les coûts sans nuire à la qualité du produit», assure leur porte-parole Robert Giehl. Inconvénients: une semaine de livraison et l’absence de lunettes de marque (n.d.l.r.: à noter que le magasin testé est à Morges).
> Chez l’indépendant Otto Berchten enfin, on se défend d’avoir voulu proposer du bas de gamme. Mais, voyant les enquêteurs poser des questions sur les prix, le vendeur a choisi une solution pas trop chère. Après coup, il assure toutefois que les verres choisis lui semblaient la solution la plus adéquate, «économique mais correcte».
En conclusion: si certains opticiens contestent les offres de leurs concurrents, aucun n’avait pris la peine d’expliquer à nos enquêteurs la totalité des possibilités existantes!
Mauvaise communication
Pour l’Association suisse de l’optique (ASO), il s’agit de pures lacunes dans la communication. «Il est impératif que l’opticien propose tou-tes les alternatives possibles à son client», commente Dominic Ramspeck, porte-parole de l’ASO.
Puisque les opticiens peinent à expliquer spontanément leurs offres, voici les différents aspects à observer (dont la plupart relèvent uniquement du confort et non de la qualité de correction de la vue):
> composition du verre;
> traitement antireflets, de simple couche à multicouches;
> degré d’amincissement (pour les verres organiques);
> courbure du verre, pour les amincis (sphérique, asphérique et bi-asphérique);
> traitements de surface divers, tels que durcissant, repousseur d’humidité ou encore de gras.
Tous ces points doivent être évalués par l’opticien, selon l’utilisation qui sera faite par le client, son activité professionnelle (travail à l’écran d’ordinateur, p. ex.), etc.
Et cela ne vaut que pour les verres corrigeant la myopie, car les doubles foyers ou les progressifs, par exemple, présentent encore d’autres spécificités. Dans tous les cas, il est donc indispensable d’exiger un devis détaillé auprès de son opticien, et de ne s’interdire aucune question!
Yves-Alain Cornu
assurance maladie
Partiellement remboursé
Les prix des verres de lunettes sont extrêmement variables et peuvent encore augmenter si on y ajoute des options destinées uniquement au confort ou à l’esthétique. Mais les caisses maladie ne vont pas rembourser l’entier d’une paire luxueuse, plus chère, quand bien même le client a le droit de choisir ce qui lui plaît. De ce fait, le remboursement octroyé par l’assurance de base est plafonné à 200 fr.
> Quand? Cette participation maximale peut être demandée chaque année jusqu’à l’âge de 18 ans. Au-delà, ce montant ne peut être réclamé qu’une fois tous les cinq ans (sauf cas exceptionnels, comme une perte de l’acuité visuelle faisant suite à une opération ou une maladie, par exemple).
Pour ne pas attendre cinq longues années, certains assurés tentent de changer de caisse afin d’obtenir une nouvelle participation l’année suivante... Mais le nouvel assureur est censé demander des vérifications auprès du précédent: cette astuce ne peut donc, normalement, pas fonctionner.
> Combien? Comme tout autre remboursement de l’assurance maladie, la participation de 200 fr. est soumise à la franchise (n.d.l.r. de 300 fr. à 2500 fr. selon le choix de l’assuré). La quote-part de 10% est également appliquée, à moins que l’assuré ait déjà contribué aux
700 fr./an maximum de celle-ci.
Première ordonnance requise
Faut-il avoir consulté un ophtalmologue pour recevoir le remboursement des 200 fr.? Oui et non. En fait, il est nécessaire de présenter une ordonnance médicale pour la première paire de lunettes seulement. Les années suivantes, lorsqu’il faut adapter la correction de la vue, l’examen par un opticien suffit pour justifier la participation de l’assurance. Et si l’on trouve des lunettes pour moins de 200 fr., le solde peut tout à fait être utilisé pour une seconde paire, voire des lentilles de contact, par exemple.
> A l’étranger? Avec ou sans ordonnance, il reste encore une limitation:
les achats de lunettes à l’étranger ne sont pas pris en charge, à moins qu’il ne s’agisse d’un véritable cas d’urgence (plutôt rare).