Une botte de radis, 500 g de carottes nouvelles et un bouquet de basilic s’il vous plaît! Avec l’arrivée des beaux jours, la production maraîchère se diversifie et se colore. Les supermarchés, eux, jouent la carte des maraîchers et vantent des produits frais et régionaux. A la recherche de la qualité au meilleur prix, le consommateur a-t-il intérêt à acheter ses fruits et légumes dans les grandes surfaces ou au marché? Notre enquête, menée en collaboration avec l’hebdomadaire Terre et Nature, montre que les prix du marché sont tout à fait concurrentiels.
La démarche
A deux reprises au mois de juin, nous avons relevé le prix de dix-sept produits sur les étals du marché de Lausanne et dans quatre grandes surfaces du centre ville: Casino, Coop, Manor et Migros. En consommateurs avertis, nous avons porté notre choix uniquement sur des fruits et légumes de saison, de provenance suisse. Nous avons écarté le bio, à moins que le produit recherché ne soit disponible qu’en bio. Nous avons ensuite établi une moyenne des prix relevés les deux jours (voir tableau). Dans les grandes surfaces, nous avons retenu les prix les plus bas, en tenant compte des actions.
En guise de référence, nous avons indiqué dans notre tableau la moyenne des prix conseillés par l’Association des marchés paysans, base sur laquelle les maraîchers fixent leurs tarifs.
Le jeu de la concurrence
Notre comparatif démontre qu’acheter ses fruits et légumes à ciel ouvert, plutôt que dans les grandes surfaces, est souvent avantageux. En effet, sur les dix-sept produits de notre liste, sept sont moins chers au marché. Pour les côtes de bette et les épinards, par exemple, on note un écart respectif de 70 ct. et de 1 fr. par rapport au prix le plus bas dans les supermarchés. Seules les fraises et la rhubarbe sont plus chères au marché, mais dans trois magasins, les premières étaient en action. Pour les autres produits, les prix du marché se situent dans la moyenne de ceux des magasins.
Constat étonnant? «Pas du tout!» s’exclame Martine Meldem, coprésidente de l’Association des marchés paysans: «Nos clients nous le font régulièrement remarquer. Les prix des produits de saison sont souvent plus élevés dans les grandes surfaces, sauf quand il y a des actions.»
Contrairement aux magasins, le marché offre une grande diversité de choix, avec toutefois des différences de prix importantes pour un même produit: la tomate grappe est, par exemple, vendue entre 4.40 fr. et 7.80 fr. le kg, et la pomme gala entre 2 fr. et 6.80 fr. le kg. Martine Meldem explique ces écarts par des différences de qualité (1er ou 2e choix), de variété (par exemple la gala «simple» ou la gala «royale»), ou de quantité: «Si un maraîcher a une très bonne récolte d’épinards, il peut se permettre de les proposer à un prix attractif.»
Magasins sous pression
La concurrence entre le marché et les enseignes est donc vive, conduisant certaines à se donner des airs de marché: Manor présente ostensiblement ses producteurs locaux (lire l’encadré), tandis que Migros estampille ses produits d’un label «De la région».
Face aux prix compétitifs du marché, Migros, Casino et Coop expliquent que le conditionnement des produits, la logistique et les contrôles de qualité ont un coût, qui se répercute inévitablement sur les prix. Ce que Pascal Toffel, de l’Union maraîchère suisse, confime: «Un stand au marché coûte moins cher que les infrastructures nécessaires pour la vente dans les grandes surfaces, surtout au centre ville.» Quant à l’étendue de l’offre, Susanne Erdoes, porte-parole de Coop, se défend: «Nous proposons six jours sur sept, plus de 300 fruits et légumes différents, dans un même endroit, avec, en plus, des gammes à bas prix.»
Pour sa part, Casino pèche en matière d’approvisionnement: cinq produits étaient tout simplement introuvables lors de notre passage et quatre de provenance étrangère. Marie-Paule Perrenoud, du service vente et marketing, explique: «Le brocoli, le concombre et le fenouil étaient bien de provenance suisse, mais ont été mal étiquetés. Quant aux radis et à la rhubarbe suisses, ils font normalement partie de notre assortiment.» Chez Manor, on explique l’absence de l’asperge verte, pourtant de saison, par la fin de la culture et un volume de production insuffisant pour alimenter les magasins.
Elodie Lavigne,
avec la collaboration de Léo Bolliger
Témoignage
«Je livre chez Manor tous les jours»
«Luc Bourgeois, rue du Village, Vullierens»: quand ce n’est pas celui de sa femme, le nom de ce producteur vaudois d’asperges, fraises, tomates et courges figure bien en évidence chez Manor, directement au-dessus de ses produits, avec la mention «Local». Aussi bien à Lausanne, qu’à Morges ou Chavannes-de-Bogis, aux portes de Genève. Cela fait des années que Luc et Sylviane Bourgeois travaillent étroitement avec ce détaillant, qui représente aujourd’hui leur principal client. «Nous avons commencé avec les asperges vertes, notre spécialité depuis près de vingt-cinq ans (lire ci-contre). Les autres produits sont venus après. Ce sont les succursales qui nous adressent directement leurs commandes, pas une centrale d’achats, explique Luc Bourgeois. On traite en direct, ce qui est évidemment un avantage d’un point de vue économique pour une petite entreprise comme la nôtre puisqu’on évite les intermédiaires. Je leur livre la marchandise tous les jours. Les produits sont par conséquent toujours frais, cueillis la veille.»
Au rayon, ils sont présentés dans des cageots, de manière analogue à la pratique des marchés. En général, une photo du producteur est aussi affichée en plus du nom, permettant ainsi aux consommateurs de voir par qui les fruits et légumes qu’ils s’apprêtent à acheter ont été cultivés. «Quitte à n’acheter que de petites quantités, Manor fait un bel effort pour mettre en valeur la production locale, de proximité. Pour nous, c’est bien sûr très gratifiant. Plutôt que sur un contrat, nos relations commerciales reposent depuis toujours sur la confiance et une satisfaction réciproque.» Les Bourgeois écoulent aussi une partie de leurs produits (environ 30% de la production totale) au marché de Morges, chez eux à Vullierens, où ils pratiquent la vente directe à la ferme, et via un grossiste.
L. Bo