Ils aiment les voir flotter dans leur bain, les faire couiner en appuyant sur leurs ventres et mâchouiller leur matière molle et résistante à la fois. Pourtant, les jouets en plastique souple destinés aux enfants en bas âge ne sont pas forcément inoffensifs: sur quinze d’entre eux, testés par Bon à Savoir, aucun ne peut être recommandé. Car tous ces articles destinés aux tout-petits sont en PVC (polychlorure de vinyle), fortement cancérigène. Suite à ce constat inquiétant, certains magasins ont d’ailleurs retiré les articles incriminés de la vente (lire plus loin).
Le PVC contient aussi un cocktail de diverses substances, dont les phtalates – plastifiants servant à assouplir le plastique. Inconvénient: lors d’un contact, ces substances sont susceptibles de se séparer du PVC pour migrer ailleurs, par exemple dans une bouche d’enfant...
Effets à long terme
Sans effet à court terme, les phtalates peuvent, à long terme, provoquer des dommages du foie et des reins, note le professeur Helmut Greim, spécialiste allemand des substances nocives pour l’environnement et membre d’un groupe d’experts de l’Union européenne. C’est pourquoi l’Autriche, la Suède et le Danemark ont interdit leur utilisation dans les jouets d’enfants en bas âge. Le gouvernement suédois a même interdit les succédanés des phtalates. Ce qui équivaut pratiquement à une interdiction des jouets en PVC.
Quant à la Suisse, elle attend que l’UE prenne une décision en la matière. Pourtant, il y 12 ans, Berne s’était montrée plus déterminée en interdisant, parmi les premiers, le plastifiant DEHP dans les jouets pour les moins de 3 ans.
Résultats du test
- DEHP: malgré son interdiction en Suisse, les experts du Interlabor de Belp (BE) ont trouvé ce plastifiant dans 5 des 15 jouets testés (voir tableau ci-dessous).
Le DEHP est soupçonné d’être non seulement cancérigène, mais d’influer également sur la fertilité et d’endommager les reins. De plus, il est difficilement biodégradable et s’accumule tant dans l’environnement que dans le corps humain.
- DINP (Diisononylphtalate): cette substance, utilisée pour remplacer le DEHP, a été décelée dans 13 des 15 articles.
Encore mal connu, ce plastifiant n’est pas pour autant au-dessus de tout soupçon. Il a provoqué des cancers chez des animaux de laboratoire, ainsi que des dommages aux reins et au foie, tout comme des problèmes de développement.
- DBP (Dibutylphtalate): cet autre plastifiant a été trouvé dans 2 des jouets testés.
Cette substance chimique a provoqué des tumeurs du foie chez les rats, réduit leur fertilité et provoqué des problèmes de développement des embryons.
- Nonylphénol: il a été découvert dans 8 des jouets examinés.
Le Ministère de l’environnement allemand met en garde contre cette substance. Elle a induit, chez des truites mâles, la production de protéines qui, dans la nature, ne sont produites que par les femelles. Dès le 1er janvier prochain, son utilisation dans les emballages alimentaires est d’ailleurs interdite dans l’Union européenne, car des aliments gras peuvent l’absorber.
Jouets retirés de la vente
Les réactions des distributeurs des produits testés par Bon à Savoir ont été diverses (voir tableau ci-dessous), quand ils ont réagi. ABM a retiré les jouets incriminés de la vente. Moins alarmée, la direction de Toys «R» Us à Paramus (USA) s’est contentée d’annoncer qu’elle retirait «dans le monde entier tous les produits pour bébés et enfants en bas âge» tels les lolettes, anneaux à mordiller et crécelles que les petits «mettent longuement à la bouche». Mais le Squirtees et le canard Ernie n’en font pas partie! Apparemment, aux Etats-Unis, chaque bébé sait donc qu’il ne doit pas prendre dans la bouche ses jouets pour le bain...
Plus conséquente, la chaîne de magasins pour bébés Valery Baby a immédiatement annoncé que le canard Bieco allait être retiré de l’assortiment. Et Franz Carl Weber a cessé l’importation du canard aux phtalates fabriqué par Playwell Toys et retiré des rayons les stocks restants.
La société Waldmeier SA de Bâle, autre fournisseur de Jouets Weber a préféré recourir à un subterfuge, en augmentant simplement la limite d’âge de l’article de 18 à 36 mois. A croire que les enfants bâlois ne suçotent jamais les jouets de leurs grands frères et sœurs...
Risques minimisés
Malgré tout ce que l’on sait sur le PVC, l’industrie du jouet peine à vouloir s’en passer, comme le montre notamment la réaction de Migros. Le géant orange se dit «soucieux depuis des années de mettre sur le marché des jouets sans PVC souple et de trouver des alternatives». En même temps, Migros renvoie à un article paru dans une revue professionnelle internationale du jouet. On y atteste que les phtalates sont inoffensifs selon une étude du Scientific Consensus Group néerlandais. Un résultat guère étonnant, sachant que l’étude a été commandée par l’industrie elle-même.
A noter encore, qu’à l’inverse de ce qu’affirmait cette revue, on a constaté qu’un certain nombre de phtalates ont des effets similaires à ceux de l’œstrogène: ils provoquent une féminisation du corps masculin, et peuvent provoquer le cancer du sein chez les femmes. Chez les nourrissons ou les jeunes filles, des quantités infimes peuvent ainsi déjà influer sur le système hormonal et favoriser le cancer.
Eviter le PVC
Tant que l’industrie du jouet ne se montre pas plus encline à supprimer le PVC, les parents n’ont donc qu’une possibilité: éviter les jouets en PVC.
- Les articles en plastique souple sans indications particulières en contiennent souvent; demandez des alternatives, sans PVC.
- Les articles en caoutchouc naturel ou en bois sont un peu plus chers, mais aussi moins dangereux.
- Le PE (polyéthylène) et le PP (polypropylène) sont considérés comme inoffensifs. On les reconnaît aux sigles triangulaires suivants:
Mais attention: placés sur les emballages, ces sigles ne concernent que ce dernier, et non son contenu.
- Les sigles GS et CE indiquent que le jouet correspond aux normes de sécurité européennes. C’est-à-dire que les phtalates qu’il contient ne se séparent pas en quantité inquiétante du PVC. A noter que les produits portant le sigle GS sont soumis à un contrôle régulier, tandis que ceux portant le CE ne font plus l’objet d’aucun contrôle une fois le sigle accordé.
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