Que les piétons soient doublement attentifs! A l’approche de l’hiver, les trottoirs verglacés ne sont pas les seuls à faire des victimes (lire encadré). Les allées des supermarchés peuvent elles aussi se transformer en patinoires.
Noëlle Passerini en sait quelque chose. Le 8 septembre, cette lectrice de 74 ans se rend à Coop City, au centre de Lausanne, pour y faire ses courses hebdomadaires. Alors qu’elle vient de passer le portillon d’entrée, elle glisse sur un grain de raisin et s’étale de tout son long dans le rayon fruits et légumes. Devant l’apathie de quelques employés du magasin, pourtant spectateurs de la scène, des clients finissent par lui venir en aide.
Le verdict d’une clinique toute proche est sans appel: poignet brisé avec fractures multiples. Mais l’articulation est trop enflée pour être traitée et la Lausannoise ressort avec une attelle et un rendez-vous pour la semaine suivante. Mauvaise nouvelle: comme elle n’est pas assurée en privé, le chirurgien refuse de la prendre en charge. Ses radios sous le bras, notre lectrice se rend alors à l’hôpital où, devant la gravité de la blessure, les médecins décident de l’opérer dans l’heure.
Concours de circonstance?
L’alerte septuagénaire n’a pas attendu de passer sur le billard pour prendre les devants. Le lendemain de l’accident, à peine remise de ses émotions, elle remplissait déjà une déclaration de sinistre auprès du Service clientèle de Coop.
Quelques semaines plus tard, la réponse de La Mobilière – l’assureur de Coop en l’occurrence – ne manque pas de la consterner. La lettre fait référence à l’article 41 du Code des obligations, selon lequel une personne qui cause illicitement un dommage à autrui, soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence, est tenue de le réparer. Or, poursuit la lettre, aucune faute ne peut être reprochée à Coop: «Vous avez glissé sur un raisin qu’un précédent client a laissé tomber.». Il ne s’agit dès lors que d’un «malheureux concours de circonstance, dont vous êtes la seule à répondre.»
Le Service juridique de Bon à Savoir conteste cette position. En tant que propriétaire du bâtiment et du magasin, Coop est tenue de répondre de tout dommage causé par les vices de construction et le défaut d’entretien de l’ouvrage (art. 58 du Code des obligations). Ici, la chute est clairement due à un défaut d’entretien des sols.
De plus, il n’est pas établi que le raisin se soit retrouvé par terre à cause d’un client. Il est peut-être tombé directement d’un rayon. Dans les deux cas, le magasin est fautif, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour empêcher la marchandise de tomber des étals ou nettoyer plus rapidement un endroit où le risque de chutes est réel.
Des milliers de francs de frais
Si le cas est encore en suspens, il démontre une fois de plus la difficulté à faire valoir ses droits. Pour notre lectrice, l’enjeu financier est loin d’être négligeable: en tant que retraitée, son assurance accidents est incluse dans sa couverture maladie de base, avec tous les frais de franchise et de quote-part (10%) que cela implique. La facture de l’opération se monte déjà à 3279 fr., auxquels s’ajouteront les coûts des radiographies et d’une longue rééducation.
Frank-Olivier Baechler
CONSEILS PRATIQUES
Sur les chemins et les trottoirs
L’article 58 du Code des obligations ne concerne pas que l’intérieur des bâtiments. Les chemins et les trottoirs, par exemple, doivent eux aussi être entretenus de façon à offrir une sécurité suffisante aux usagers.
En hiver, le déneigement et la dispersion de sel sont donc obligatoires. En cas de dégâts matériels ou de lésions corporelles, l’absence d’entretien peut se retourner contre le propriétaire ou les collectivités publiques.
Le locataire, quant à lui, reste responsable d’enlever la neige et la glace sur les balcons, les terrasses et les tablettes de fenêtres, afin d’éviter les chutes de glaçons, cause de nombreuses blessures hivernales.