Jérémie arrive d’un bon pas, le nez plongé dans son gobelet de thé froid, suivi d’un groupe d’élèves de 7e et 8e années. A l’occasion de ce reportage, Christiane Maurer a réuni neuf petits écoliers de ses deux classes d’économie: Caroline, Guillaume, Jérémie et Jérémy, Joël, Kelly, Mazarat, Shamir et Shiny.
Enfin, petits, c’est vite dit, puisque certains ados, stabilisés par d’énormes baskets, dépassent déjà de plusieurs centimètres les autres têtes blondes. Quelques voix graves se mêlent donc aux notes cristallines dans le léger brouhaha engendré par la mise en place de chacun.
La leçon d’économie se tient aujourd’hui dans un lieu insolite: la salle des cours de cuisine du collège Derrière-la-Ville, à Cheseaux-sur-Lausanne. Cet espace peuplé de fours, d’éviers et d’ustensiles de cuisine semble néanmoins tout indiqué pour apprendre les bases de l’économie, car tous ces élèves devront, un jour, gérer les comptes du ménage.
Armés pour la vie
D’ailleurs, le but de Christiane Maurer est de donner quelques clés, afin de saisir la marche de notre société. Et, pour ce faire, elle a basé ses cours sur l’actualité. De l’influence de la société Kudelski, sise à Cheseaux, à l’interprétation de la publicité, en passant par l’argent de poche, tout se discute en classe, en se référant au vécu et aux lectures des élèves.
Au menu de ces lectures figure Bon à Savoir, dont les élèves découpent, chaque mois, les articles jugés intéressants et les collent dans leur cahier. Jérémie contemple d’ailleurs avec passablement de dégoût la photo illustrant un sujet sur l’acné juvénile.
Influencés par les tests?
Quand on leur demande ce qu’ils pensent du magazine, on est assez heureux d’entendre que «ça peut aider». Caroline, par exemple, a lu un sujet sur les lentilles de contact, parce qu’elle a eu plein de problèmes avec les siennes. Shiny a bien aimé le test des rouges à lèvres. Joël, lui, a préféré le crash-test des sacs à dos.
Quant à savoir si les résultats de ce test vont influencer leurs achats futurs, Shiny répond: «Mon sac est classé “moyen”. Mais les meilleurs sont plutôt moches, alors je crois que je choisirais le même sac que maintenant.»
Investisseurs en herbe
Presque tous disent économiser leur argent de poche pour se payer des jeux vidéo, des CD ou des vêtements et un petit futé ajoute: «Ou alors, on est très gentil avec maman pour qu’elle nous l’offre.» Guillaume confirme, mais précise: «Avec ma mère on n’achète jamais des trucs au-dessus de 100 ou 150 fr. Et c’est alors des bons trucs qui durent longtemps.»
Quoi qu’il en soit, les prix sont au centre de leurs préoccupations. «Au kiosque, il faut prendre les bonbons les moins chers, estime Jérémie, comme ça on en a plus.» Guillaume calcule le taux de change des euros pour conclure que les jeux vidéo coûtent moins cher en France que chez nous.
Les commentaires de Joël au sujet de cette inégalité sont pleins de bon sens: «La Suisse est plus petite et il y a moins de gens qui achètent. C’est aussi à cause de nos salaires qui sont plus importants. Et puis, ceux qui fixent les prix croient que nous sommes riches.» Guillaume poursuit en soulevant la question des monopoles, qui limiteraient la diversité de l’offre: «Dans certains magasins, il y a plus de choix qu’à la Migros ou à la Coop. Mais des Coop et des Migros, y en a partout. Y a même que ça!»
Bien entendu, tous sont adeptes des téléphones portables, sauf un malin qui préfère utiliser le téléphone de la maison «parce que c’est gratuit». Et tous se sont fait une idée assez précise des tarifs en confrontant les différentes factures de leur famille ou en étudiant la question aux cours de maths.
Bref, une sacrée bande
de petits consommateurs aguerris! De quoi devraient donc encore parler nos articles? «De sexe et de jeux
vidéo», lance un élève en
se ruant vers la cour de récréation. Il faudra en aviser le rédacteur en chef...
Joy Demeulemeester