Au début, seule l’étiquette du primitivo Pietro Plozza, sélection Grands vins Globus, acheté 9.90 fr., a choqué la soussignée. Comment un vin vendangé en septembre 2008 et élevé une année en fût de chêne peut-il être déjà vendu en avril 2009, soit à peine sept mois après la récolte?
En simples consommateurs, nous nous sommes d’abord contentés d’une lettre de réclamation. La réponse, accompagnée d’une boîte de chocolats, est parvenue dans les meilleurs délais. «Il s’agit, bien entendu, d’une erreur d’impression. En réalité, le vin de la cuvée 2008 a été conservé durant cinq mois en foudre de chêne.» Le foudre étant un grand tonneau. La lettre indique aussi une personne de contact pour de plus amples informations et offre soit de rembourser l’achat, soit de l’échanger contre un autre produit. Bref, une réaction impeccable.
En juin, nous avons vérifié si l’étiquette a été corrigée. En effet, sauf qu’elle mentionne cette fois: «Elevage: six mois en foudre de chêne», et non plus cinq. Nous avons donc creusé.
Etiquette incohérente
Yann Berger, chimiste au service de la consommation (VD), a confirmé le sérieux problème d’étiquetage: «Outre l’erreur sur la durée de l’élevage, l’étiquette donne surtout des informations très incohérentes. On y parle d’une Indicazione Geografica Tipica (IGT) primitivo, et de Prodotto d’Italia. Le consommateur croit donc de bonne foi déguster un vin italien. Or, le producteur Pietro Plozza Brusio GR est une société anonyme basée dans les Grisons, le vin est aussi dit «élaboré en Suisse», donc vinifié ici.» Du coup, le service a aussitôt prélevé officiellement d’autres bouteilles dans le magasin. Depuis, l’affaire est passée entre les mains du chimiste cantonal de Zurich, où Globus a son siège.
Notre jury d’experts en vins (lire TCF 06/2009) a ensuite dégusté, à l’aveugle, ce primitivo. Il a obtenu la mention «satisfaisant», avec des notes plutôt médiocres allant de 11 à 13, sur une échelle de 20 (10 est le «capital» dont un vin dispose par sa seule existence). Et tous ont été surpris par sa «sucrosité». Pour Nathalie Borne et Pierre Thomas, ce vin ressemble à un porto et, pour Nicolas Bourassin et Frédéric Compain, sa seule place possible à table est avec du chocolat, et non avec une viande rouge, comme le recommande l’étiquette sur la bouteille.
Presqu’un demi-doux
Enfin, l’analyse de ce vin en laboratoire a effectivement révélé une forte quantité de sucre: 11,6 g/l. «Il n’y a pas de normes particulières pour les vins en matière de sucre, commente Yann Berger. Mais, dès 12,2 g, on parle d’un vin demi-doux. Et 11 g, pour un vin rouge, c’est très rare.» On peut dès lors se demander si ce primitivo, malgré ses 14% d’alcool, a bien achevé sa fermentation, donc si tout le sucre a pu se transformer en alcool.
Comme il s’agit d’une sélection Grands vins Globus, on peut aussi s’interroger sur les critères retenus par l’enseigne de luxe pour choisir son vin. «Notre but est d’offrir un excellent rapport qualité-prix sur ces produits, répond Jürg Welti, porte-parole de la chaîne. Et il va de soi que nos vins sont tous sélectionnés et régulièrement dégustés par notre acheteur, qui se rend sur place et travaille en étroite collaboration avec nos fournisseurs.»
Il renouvelle ses excuses pour ce qui est de l’étiquetage et promet que le prochain sera plus précis quant à la provenance du vin, qui a bien été vinifié au sud de l’Italie, avant de terminer sa maturation en Suisse. En revanche, la teneur en sucre relevée lors de notre analyse le surprend: «Nos derniers tests affichaient 2,8 g/l. Nous venons donc de commander une nouvelle analyse.»
Si la réaction de Globus est très professionnelle, son primitivo cumule tout de même bien des défauts. Trop en regard de son slogan: «Notre compétence au service de votre palais.»
Joy Demeulemeester