Les familles recomposées sont de plus en plus nombreuses et deviennent un véritable casse-tête pour les parents qui désirent, à l’heure de la succession, mettre tous leurs enfants sur un pied d’égalité. Ils doivent non seulement être bons en maths, mais aussi avoir confiance tant dans le conjoint survivant que dans la compréhension de leurs descendants, comme l’exemple qui suit le démontre.
Madame et Monsieur ont un enfant commun, Ulysse (en turquoise dans les tableaux-ci-contre). Les deux enfants nés du premier mariage de Madame, Jérôme et Myriam (en bordeau), vivent avec eux, car leur père est décédé. De son côté Sophie (en bleu), la fille de Monsieur, est restée avec sa mère, elle-même remariée. Cela paraît très compliqué. C’est pourtant le cas de 5% à 10% des ménages suisses actuellement…
Héritage équitable
Tout ce petit monde est devenu grand et les parents ont à cœur de prévoir un héritage équitable. Dans l’idéal, ils souhaiteraient que chacun des trois enfants vivant avec eux touchent la même part, et Sophie un peu moins sachant qu’elle héritera également de sa mère. Ils se sont donc fixé un objectif: 29% pour Ulysse, Jérôme et Myriam, et 13% pour Sophie. Sortez vos calculettes! Et relisez également l’article paru dans le dernier numéro «Rédigez simplement votre testament», pour vous remémorer les parts réservataires auxquels certains héritiers ont droit. Car ce sont bien elles qui compliquent singulièrement l’exercice.
Il faut d’abord envisager la répartition des successions (celle de chaque parent) avec et sans testament. La partie gauche des tableaux indique comment la loi va répartir l’héritage si le défunt n’a rien prévu. Pour simplifier le calcul, nous sommes partis du principe que chaque conjoint disposait d’une succession de 100 000 fr. et que le survivant avait suffisamment de réserve pour ne pas dépenser son héritage avant son propre décès.
Dès lors, il existe deux scénarios en fonction de l’ordre de décès. Si c’est Monsieur qui meurt en premier, l’enfant commun est logiquement privilégié (il hérite dans tous les cas), tout comme Jérôme et Myriam, puisque leur mère est survivante. Sophie est, en revanche, la grande perdante. L’inégalité est, toutefois, encore plus criante si Madame meurt la première, mais pas pour les mêmes! Ulysse reste, en effet, clairement favorisé, puisque, au total, il touche presque la moitié des successions cumulées. Mais Sophie va également hériter 37,5% en fin de compte, puisque son père est survivant. Tandis que Jérôme et Myriam vont toucher des clopinettes.
Avec un testament
Que peuvent faire les parents grâce à un testament? Tenter de répartir les successions respectives de façon à atteindre leur objectif (partie droite des tableaux). C’est possible au cas où Monsieur décède en premier, mais il va falloir qu’Ulysse accepte que, à cette fin, sa demi-sœur touche plus que lui dans un premier temps. Il prend, en revanche, peu de risque que sa mère le prétérite lors de sa succession, puisque sa part réservataire sera de toute façon de 25%. Cette répartition est, par ailleurs, optimale sur le plan fiscal, car les enfants ne paient pas d’impôts sur la succession*, contrairement aux beaux-enfants.
Impossible, en revanche, d’atteindre l’objectif désiré si la mère décède en premier, à cause des parts réservataires. Certes, Madame peut limiter au minimum la part de son mari et exclure sa belle-fille, afin de limiter son gain final, mais Sophie touchera tout de même au minimum 37,5% de la succession de son père, ce qui représente 23,44% des successions cumulées. Du coup, les parents vont partir de ce nouveau minimum pour que Jérôme et Myriam touchent au moins la même somme, d’autant qu’ils ne vont pas échapper à l’impôt successoral lorsqu’ils hériteront de leur beau-père. Quant à Ulysse, il va de nouveau devoir se montrer compréhensif dans un premier temps…
Pacte successoral
Les parents peuvent donc rédiger leur testament (par exemple avec notre outil) respectif selon la répartition imaginée dans les tableaux. Mais ils peuvent aussi mettre tout le monde d’accord sur leur répartition idéale et passer devant un notaire pour le consacrer dans un pacte successoral. Il faut, toutefois, que les enfants soient majeurs et tous d’accord. Et il faut savoir que, en cas de changement, il doit être, lui aussi, unanimement validé et nécessitera un nouveau passage chez le notaire.
*A part dans les cantons de Neuchâtel et de Vaud, où ils bénéficient cependant d’une franchise de 250 000 fr.(respectivement 50 000 fr.) par enfant.
Christian Chevrolet