Incontournable dans notre alimentation, le pain s’achète un peu partout: chez le boulanger du coin, dans les grandes surfaces ou encore dans les stations-services… Actuellement, les consommateurs sont particulièrement attentifs à la provenance des denrées alimentaires. Et pourtant, que sait-on réellement de la composition de notre pain? Où les boulangers se procurent-ils les ingrédients pour le façonner? Proviennent-ils du pays ou de l’étranger? Des questions qui, jusqu’à aujourd’hui, étaient sans réponse.
Pour y voir plus clair sur l’origine des composants du pain et de ses dérivés, nous avons mené une enquête à grande échelle avec nos confrères de l’émission On en parle (RSR, La Première).
Provenance
A cette fin, nous avons adressé un questionnaire à tous les artisans boulangers romands francophones, membres de l’Association suisse des patrons boulangers-pâtissiers (Aspbp). Ceux-ci représentent, selon Jean-Pierre Mathys, chargé de communication de l’association, environ 85% des entreprises artisanales de Suisse romande. Afin de comparer les réponses, nous avons envoyé le même document aux grands distributeurs et aux stations-services (lire encadré).
Le questionnaire comprenait deux volets.
> Le premier avait pour objectif de connaître la provenance de la farine, du blé, de la levure, du sel et de l’eau entrant dans la composition du pain mi-blanc.
> Le second visait à relever le type de production et l’origine des ingrédients des articles de boulangerie en général, soit, plus précisément, le beurre, le sucre et les œufs.
Notre démarche a rencontré un bel écho: sur 412 questionnaires envoyés, 245 nous ont été retournés complétés dans les délais fixés, soit un taux de participation de 60%. Les grandes chaînes – grandes surfaces et stations-services confondues – ont elles aussi joué le jeu, à l’exception de Shell qui n’y a pas donné suite.
Le dépouillement de l’ensemble des questionnaires nous a permis de regrouper les réponses par catégories. Les résultats globaux se trouvent en pages 14 et 15 (voir graphiques) et les résultats détaillés, pour chacun des points de vente, sont intégralement accessibles sur notre site internet (lire plus loin).
Pain de «chez nous»
Pour le pain mi-blanc, la majorité des ingrédients est d’origine suisse. Ce constat réjouit l’Aspbp: «Nous sommes très satisfaits de ces résultats qui prouvent que les boulangers privilégient la proximité et, par conséquent, la protection de l’environnement.»
La farine est, en effet, principalement fournie par des moulins du pays (voir graphique 1), et en particulier par celui de Granges-près-Marnand, dans le canton de Vaud (33%). La catégorie «Autres» (29%) comprend des moulins plus petits, rarement cités, comme ceux d’Echallens ou de Naters.
Et 94% de la levure utilisée par les boulangers participant à l’enquête est d’origine helvétique, le solde est de provenance inconnue. Les trois quarts sont fournis par l’entreprise Levure Suisse SA, basée à Stettfurt, dans le canton de Thurgovie.
L’essentiel du sel utilisé vient, lui aussi, du pays, comme l’ont affirmé 227 boulangers. Les autres n’ont soit pas révélé sa provenance, soit cité l’Europe, la France et l’Italie (voir graphique 2).
Enfin, l’eau du pain est systématiquement celle du robinet.
Pas de congélation
Outre la question de la provenance des ingrédients, nous avons également demandé aux artisans s’ils ont, à une étape ou à une autre de la production, congelé leur pain. Sauf à de très rares exceptions, tous ont répondu par la négative. Une information qui a toute son importance, puisqu’on sait que telle n’est pas la pratique chez les grands distributeurs (lire encadré).
Artisanal ou industriel?
Laissons de côté le pain mi blanc, pour nous intéresser aux autres articles de boulangerie et à leurs composants principaux, comme le lait, le beurre et les œufs. Pour ceux-là, nous avons distingué les ingrédients dits «industriels» – distribués à grande échelle par de gros fournisseurs comme, par exemple, Emmi, Cremo ou GrosjeanStettler – de ceux dits «artisanaux», achetés chez des laitiers, fermiers, paysans ou fromagers de la région.
Là encore, les graphiques parlent d’eux-mêmes. Comme on le voit, la majorité de ces ingrédients sont industriels. Et certains ont subi quelques transformations: dans 24% des cas, le lait est fourni en poudre (voir graphique 3) et 3% des œufs sont livrés à l’état liquide (voir graphique 4). Pour Jean-Pierre Mathys, ces modifications n’influencent en rien la qualité des produits. Leurs propriétés et leur goût restent identiques, mais ils sont plus pratiques à manipuler. Selon lui, le lait en poudre se conserve mieux et les œufs liquides sont plus commodes à transporter.
Autres produits: une part d’inconnu
A l’instar du pain mi-blanc, l’origine des autres produits de boulangerie est également helvétique, même si les résultats sont moins tranchés. En outre, 16% des boulangers n’ont pas donné d’informations sur la provenance du lait et 1% ont cité la France; 81% des artisans ont annoncé que le beurre (voir graphique 5) venait de «chez nous», et 19% ne se sont pas prononcés sur ce point; 62% des œufs viennent de Suisse, 16% de France et 10% d’Europe. Enfin, le sucre est helvétique dans 79% des cas ou importé de France, d’Allemagne et d’Angleterre (12%). Le solde (9%) est d’origine inconnue (voir graphique 6).
Toutes les infos sur notre site www.bonasavoir.ch
Afin de vous permettre de connaître les résultats détaillés pour chacun des points de vente participant à notre enquête, nous avons développé et mis en ligne une carte interactive sur notre site internet*.
D’un simple clic sur le point de couleur correspondant à l’adresse recherchée, vous accéderez à un bloc résumant les informations qui nous ont été communiquées, y compris le lieu où le pain a été façonné et l’endroit où il a été cuit.
Marie Tschumi
bonus web:D’où vient mon pain?
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
ZOOM
Dans les supermarchés et stations-services
Contrairement aux artisans (lire ci-contre), les grandes chaînes livrent le plus souvent leurs articles de boulangerie à l’état congelé. C’est notamment le cas chez BP et Délifrance, dont 70% de la production de cette dernière sort d’usines françaises.
Chez Coop Pronto et Eni Suisse (Agip), tout est fourni congelé par la société Hiestand, qui façonne et précuit le pain à Dagmersellen, dans le canton de Lucerne. Si la farine, le blé, le sel, le lait, les œufs et le beurre sont d’origine suisse, la levure (liquide) vient d’Allemagne et le sucre du Paraguay, de Cuba et d’Europe.
L’enseigne Casino, elle, est approvisionnée par l’entreprise Délifrance. Selon cette dernière, le pain mi-blanc est systématiquement congelé après sa précuisson à Volketswil (ZH). Quant aux ingrédients qui le composent, ils proviennent de Suisse, à l’exception du sel, importé du Chili.
Aperto et Lidl reçoivent, quant à eux, du pain frais tous les jours de boulangeries locales, mais également des produits surgelés dont la cuisson est terminée sur place.
Pour sa part, Denner affirme vendre du pain mi-blanc non congelé, aux ingrédients d’origine exclusivement helvétique, mais ne fournit aucune information détaillée pour ses autres produits de boulangerie.
Proches des artisans
Dans certains cas, les réponses qui nous ont été transmises se rapprochent de celles des boulangers. Ainsi, dans les Manor Food, le pain est façonné et cuit sur le lieu de vente. Si les ingrédients de base sont tous issus de culture biologique, leurs origines sont diverses: le sel est français, le sucre paraguayen et le blé à 80% européen!
Coop cuit et façonne le pain à Aclens (VD) deux fois par jour. La majorité des composants sont suisses, à l’exception d’une partie du blé (15%), qui est importé d’Autriche et les œufs d’Europe.
Quant à Migros et les stations Migrolino, elles assurent leur propre production par le biais de Jowa. Ce producteur indique que la farine (98%), le lait, les œufs et le beurre sont suisses, mais ne s’exprime pas sur la provenance du sel, de la levure et du sucre.
Chez Polli, au Mont-sur-Lausanne (VD), et Pouly Tradition, à Satigny (GE), le tout est suisse, à l’exception du sucre (Allemagne) et de certains œufs liquides (France). Notons enfin que Pouly est également l’un des deux fournisseurs du discounter Aldi.
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