Les amateurs de sushis peuvent continuer à jouer des baguettes. Ce mets, principalement à base de poisson cru, est de qualité recommandable, tant dans les grandes surfaces que dans les commerces spécialisés. Du moins ceux que Bon à Savoir a achetés dans huit magasins de Genève et environs, durant la matinée du 23 mai dernier.
Notre rédaction a en effet cherché à savoir si les grands distributeurs, qui font désormais concurrence aux commerces spécialisés, proposent des produits de fraîcheur égale. Nos enquêteurs se sont donc rendus dans cinq grandes surfaces genevoises (voir tableau) et dans trois magasins/restaurants spécialisés du centre de Genève, choisis au hasard.
L’analyse
Nous y avons acheté des nigiris sushis (boule de riz vinaigré sur laquelle est posée une tranche de poisson cru) et des makis sushis (feuille d’algue roulée remplie de riz, de poisson cru et de légumes).
La marchandise achetée a immédiatement été mise au frais, puis transportée au laboratoire spécialisé UFAG, à Sursee (LU), qui a effectué une analyse microbiologique en recherchant la présence de divers germes et bactéries.
> Germes aérobies mésophiles: appelés aussi germes d’altération, ils se développent en présence d’air et à température moyenne (25°C – 30°C). On en trouve surtout dans les aliments prêts à consommer, susceptibles d’avoir été conservés à une température trop élevée et/ou trop longtemps. L’ordonnance fédérale sur l’hygiène alimentaire fixe le seuil de tolérance pour ces germes à 10 millions d’UFC/g (= unités formant colonies par gramme) d’aliment. La plupart ne sont pas nocifs, mais leur présence entraîne une altération de l’aliment et diminue sa qualité (aspect, goût, odeur).
Autres bactéries
Le laboratoire a encore recherché cinq bactéries pouvant avoir des effets néfastes sur la santé et dont la présence est aussi liée au non-respect des règles d’hygiène:
> Campylobacter: même en faible quantité, il peut entraîner une intoxication alimentaire (diarrhée fébrile, sang et pus dans les selles) très grave chez les personnes âgées et les nourrissons.
> Bacillus cereus: peut provoquer des nausées, des vomissements, des crampes abdominales et des diarrhées.
> Escherichia coli: certaines souches provoquent des gastro-entérites.
> Listeria: peut être mortelle pour les personnes âgées, les nourrissons et les personnes au système immunitaire déficient. La maladie débute très souvent sous forme de grippe avec fièvre.
> Staphylocoques: peuvent provoquer des intoxications alimentaires (vomissements, nausées, crampes abdominales) graves chez les enfants, les personnes malades et les personnes âgées.
Nos résultats sont donc bons: les huit échantillons prélevés contenaient uniquement des germes aérobies mésophiles (lire l’encadré). Et cela en quantités largement inférieures au seuil de tolérance de 10 millions d’UFC/g (voir tableau), soit entre 6000 et 600 000 d’UFC/g d’aliments. Et ce n’est qu’à partir de 100 millions d’UFC/g qu’un produit est considéré comme étant altéré et donc impropre à la consommation.
«Ainsi, tous ces sushis sont recommandables», se réjouit Olivier Zali, le chimiste cantonal genevois, à qui nous avons soumis nos résultats. Pour lui, c’est le signe que tant les fabricants que les distributeurs veillent au respect des règles d’hygiène et au maintien de la chaîne du froid.
Mais attention! Le consommateur doit lui aussi veiller au grain. Rappelons que les bactéries se multiplient par deux toutes les vingt minutes dans certaines conditions (température trop élevée ou marchandise conservée trop longtemps). Dès lors, plus l’aliment contient de bactéries au moment de l’achat, plus grand est le risque qu’il s’altère s’il n’est pas mangé ou placé au frais au plus vite.
Conseils et prévention
Et si vous faites vous-même vos sushis, assurez-vous que le poisson ait été congelé préalablement – la congélation tue les parasites et les larves. A moins que l’espèce et la provenance du poisson permet-tent d’être sûr qu’il ne contient pas de parasites. Pour s’en assurer, il faut dans tous les cas demander conseil au poissonnier; lui indiquer qu’on souhaite consommer le poisson cru et respecter impérativement la date limite de consommation!
Pour prévenir toute altération d’aliments, crus ou précuisinés, rappelons encore quelques règles d’hygiène:
> se laver les mains entre deux lorsqu’on manipule divers aliments;
> employer des torchons propres;
> recouvrir les aliments d’un film alimentaire;
> utiliser des ustensiles et des récipients propres et en bon état;
> conserver les mets précuisinés sans rompre la chaîne du froid et au maximum pendant 72 h.
Ellen Weigand
Listeria et staphylocoques
La même semaine que Bon à Savoir, nos confrères du magazine de consommation saldo ont parcouru la Suisse alémanique, de Bâle à Zurich, en passant par Berne, Lucerne et Winterthour, pour acheter des makis et des nigiris dans trente commerces et restaurants japonais. Ils ont fait effectuer les mêmes analyses que les nôtres, par le même laboratoire.
Si aucun des échantillons prélevés ne contenait plus de germes aérobies mésophiles que toléré par les chimistes cantonaux, globalement, les sushis alémaniques en contenaient davantage que les genevois. Et notamment ceux prélevés à Zurich: jusqu’à 6 millions d’UFC/g d’aliment.
Mais, bien pire, l’échantillon du restaurant zurichois Mister Wong contenait aussi des listeria, en quantité équivalente au seuil de tolérance (100 UFC/g). Ses responsables vont effectuer des contrôles et prendre des mesures internes.
Enfin, de quoi perdre définitivement son sourire: les sushis du restaurant Smiling Fish, de Winterthour, contenaient deux fois plus de staphylocoques (tout aussi toxiques) que le seuil de tolérance (200 UFC/g au lieu de 100 UFC/g). Les responsables de l’établissement n’ont pas voulu prendre position.