Pour la deuxième fois en moins de cinq ans, les Chambres fédérales ont décidé de réduire le taux de conversion (lire le glossaire ci-dessous) des rentes versées par la prévoyance professionnelle (2e pilier). Elles passeront de 7,05% (7,1 % pour les femmes) aujourd’hui à 6,4% en 2015. Conséquence directe pour les futurs retraités: 10% de leur rente LPP en moins! Mais quelle mouche a donc piqué une majorité des parlementaires, et le Conseil fédéral avant eux?
Certes, la crise économique est là, et bien là. Certes aussi: l’espérance de vie du Suisse moyen ne cesse d’augmenter. Deux phénomènes qui, évidemment, obligent les gestionnaires à périodiquement revoir leurs calculs. Reste à le faire dans une juste mesure.
Personne ainsi, ou presque, n’a contesté la première baisse du taux de conversion, décidée en 2003. Ce dernier devait progressivement diminuer de 7,2% à 6,8% entre 2005 et 2015, de façon à financer les années que les retraités vivent en plus. Parallèlement, crise oblige, le taux minimal de rémunération du capital jouait au yoyo, passant de 4% à 2% aujourd’hui.
Rebelote
On pensait donc la correction faite. Mais le Conseil fédéral, suivi du Parlement, a décidé de mettre une deuxième couche en ramenant finalement le taux de conversion à 6,4%, avec des arguments franchement assez contradictoires.
- Le prolongement de l’espérance de vie est en effet redevenu d’actualité, alors qu’il a déjà été largement pris en compte dans la première correction. Cette piste ne tient donc pas la route.
- La crise en a, en revanche, impressionné plus d’un. Non sans raison: elle est colossale et bien malin qui pourrait prédire jusqu’où elle ira. Mais les spécialistes – parfois directement issus des milieux bancaires – le répètent à qui veut l’entendre: il n’y a aucune raison de paniquer, principalement parce que les caisses de pension ont le temps pour eux. Les pertes, souvent concrètes pour les entreprises qui ont besoin de liquidités rapidement, sont en effet – et pour l’instant – virtuelles dans le cadre du 2e pilier.
Cette précipitation, provoquée par les assureurs privés qui auraient voulu une réduction encore plus importante, réduit drastiquement les rentes des futurs retraités, dont l’indexation n’est même pas obligée. La nouvelle loi permet désormais de fixer le taux de conversion tous les cinq ans. Il sera donc possible, en fonction de l’évolution démographique et de la situation économique (déjà partiellement comblée chaque année par la réduction ou l’augmentation du taux d’intérêt rémunérant le capital), de corriger le tir en temps voulu.
Soutien au référendum
Pour toutes ces raisons, Bon à Savoir a décidé de soutenir le référendum lancé par le magazine des consommateurs alémaniques K-Tipp, avec divers partenaires, contre la réduction abusive des rentes du 2e pilier (voir page ci-contre). Pour qu’il aboutisse, il est nécessaire de rassembler 50 000 signatures d’ici au 16 mars 2009 au plus tard. Et ce sera au peuple de décider.
Christian Chevrolet
Téléchargez ici le référendum
Les mots pour comprendre
- Le capital de prévoyance est constitué des cotisations versées tout au long de l’activité professionnelle, tant par l’employé que l’employeur.
- Il est rémunéré par un taux d’intérêt fixé chaque année par le Conseil fédéral, de 4% en 2003 encore, aujourd’hui de 2% seulement. Il s’agit certes d’un taux minimal, mais c’est souvent lui qui est retenu.
- Le taux de conversion permet de calculer la rente annuelle que le retraité touchera jusqu’à sa mort. Il est aujourd’hui de 7,05% pour les hommes. Concrètement, cela veut dire qu’une personne bénéficiant d’un capital de prévoyance de 100 000 fr. en 2009 se verra proposer une rente annuelle de 100 000 x 7,05%, soit 7050 fr. Avec le nouveau projet, dès 2015, cette rente ne sera plus que de 100 000 fr. x 6,4%, soit 6400 fr. La perte est donc de 650 fr. par an (et par tranche de 100 000 fr.), soit presque 10%.
Pour une personne qui aurait touché le salaire suisse moyen durant cette même période, et qui aurait donc accumulé un capital d’environ 300 000 fr., cela représente une perte sèche de presque 2000 fr. par an.