Combien d’internautes peuvent se targuer d’avoir lu – ne serait-ce qu’une seule fois – les conditions d’utilisation d’un site avant de cliquer sur «j’accepte»? A en juger par la frénésie avec laquelle certaines informations et photos personnelles sont publiées sur les Facebook et autres MySpace, ces internautes ne sont pas nombreux. Car après lecture des dizaines de pages de «petites lettres» que peuvent contenir ces conditions (qui ne sont rien d’autre que des contrats), on réfléchit à deux fois avant de publier.
Lire toutes ces petites clauses, c’est le défi que nous nous sommes lancé avec nos partenaires de l’émission On en Parle (RSR, La Première). Et nous l’avons relevé pour huit sites très populaires en Suisse romande. Parmi ceux-ci, trois sites de réseautage (Facebook bien sûr, mais aussi MySpace et Linkedin), trois webmails (Gmail, Hotmail et Yahoo), ainsi que deux albums photos virtuels (Flickr et Picasa).
Vos données valent de l’or
Point commun de tous ces sites: leurs déclarations de confidentialité n’ont manifestement pas été écrites par des amateurs. En effet, chacun affiche au minimum une vingtaine de pages d’explications juridiques, plus ou moins bien vulgarisées. Nous en avons extrait les indications essentielles concernant la protection des données (voir tableau ci-dessous).
Principal constat: les données d’inscription (pays, date de naissance, etc.) et les activités sur le site (pages visitées, etc.) sont systématiquement utilisées à des fins de marketing. Les annonceurs sont prêts à payer le prix fort pour afficher des publicités les plus ciblées possible sur les centres d’intérêt de chaque utilisateur.
En outre, les sites de réseautage Facebook et Linkedin transmettent ces informations aux développeurs d’applications partenaires. Ainsi, derrière chaque petit jeu, quiz et autre sondage se cache un véritable aspirateur à données. Et ces sites n’y vont pas par quatre chemins: «Nous ne pouvons pas garantir que les auteurs d’applications respectent les accords de confidentialité.»
Autre problème: la durée de conservation des données est rarement précisée, ce qui est clairement insuffisant aux yeux de Kosmas Tsiraktsopoulos, chef d’information du Préposé fédéral à la protection des données. Comme les sites ne sont pas établis en Suisse, il n’est malheureusement pas possible d’agir là contre.
Propriété cédée, attention!
Autre point crucial soulevé par notre enquête, les sites garantissent généralement que «ce que vous publiez vous appartient». Cette mention serait rassurante, si elle n’était pas systématiquement suivie d’un paragraphe dans lequel l’utilisateur autorise le site à disposer comme il veut des textes, photos et autres vidéos publiés.
Si Facebook, MySpace et Flickr affirment renoncer à l’exploitation des contenus retirés par l’utilisateur, Linkedin et Picasa conservent ce droit de façon illimitée.
Conseils d’utilisation
Pour profiter des sites interactifs sans risquer d’en pâtir par la suite, voici quelques précieux conseils recueillis auprès de Michel Jaccard, avocat spécialisé dans le droit de l’internet et chargé de cours à l’Univer-sité de Fribourg, ainsi que de Kosmas Tsiraktsopoulos, cité plus haut:
- Limitez l’accès à vos données à votre cercle de connaissances, ce qui réduira considérablement les risques de copies indésirables par des tiers ou des moteurs de recherche.
- Il est difficile, voire impossible, de faire disparaître complètement les informations inscrites. La seule suppression du compte ne suffit pas. Par ailleurs, il est souvent illusoire de vouloir régler le problème par voie juridique, les sites étant basés à l’étranger (même avec un jugement favorable, son application est concrètement difficile à imposer). Pour que les données soient éliminées, le plus simple – et souvent le plus efficace – est d’en faire la demande expresse à l’adresse indiquée dans les conditions d’utilisation.
- Il faut toujours réfléchir avant de poster du contenu – et non après! – car une fois les données publiées, il est trop tard pour faire marche arrière. En effet, d’ici à ce que les données gênantes soient supprimées, les moteurs de recherche comme Google auront déjà tout enregistré dans leurs archives. Sans oublier que n’importe quel utilisateur ou «ami» virtuel a la possibilité d’enregistrer une copie des photos et textes publiés, rendant leur contrôle totalement impossible.
- Règle d’or: avant de publier, demandez-vous quelle tête vous feriez si un employeur vous ressortait ces contenus lors d’un entretien d’embauche!
Yves-Alain Cornu