Les épiceries de quartier ont presque disparu, mais une nouvelle génération de commerçants a repris le flambeau. Liés aux grands distributeurs suisses par des contrats de franchise, ces nouveaux épiciers gèrent une Coop Pronto, un satellite Denner, un Migrolino ou d’autres enseignes comme les «avec.» de Valora. Des contrats de franchise? Ces conventions lient le nouveau commerçant (le franchisé) à une entreprise qui lui concède, moyennant une redevance, le droit d’exploiter sa marque, tout en s’engageant généralement à lui fournir son assistance.
Des magasins de quartier, shops de gare et autres stations-services franchisés ont donc poussé comme des champignons en Suisse, ces dernières années. Si le phénomène n’est pas vraiment récent – les satellites Denner ont plus de 30 ans –, il prend une ampleur sans précédent en raison de la concurrence acharnée que se livrent désormais les grands groupes pour occuper le créneau. Au début de juin, on dénombrait ainsi quelque 320 satellites Denner, 231 Coop Pronto,167 Migrolino ou encore 30 avec. Valora. L’aventure vous tente? Voici ce qu’il faut savoir.
Expérience souhaitée
D’abord, ne vous faites pas d’illusions: si vous êtes professeur de taï chi ou artiste peintre, vous n’avez guère le profil recherché par les grands distributeurs. Ces derniers, qui recrutent par petites annonces, ou parmi les offres spontanées qu’ils reçoivent, considèrent une formation ou une expérience dans la vente, le commerce de détail ou la restauration comme un sérieux avantage. Coop Pronto confie qu’«il y a de tout dans les dossiers reçus», mais que, au bout du compte, la plupart des personnes retenues ont travaillé dans le domaine de l’alimentation.
Une fois le contrat signé, les gérants sont à la fois soutenus et surveillés par le distributeur. Migrolino propose une formation de base complète. «De plus, les partenaires sont conseillés et assistés par les gestionnaires de franchise pendant et après la phase d’ouverture.» Mais le distributeur va plus loin et détermine, avec le franchisé, des objectifs à atteindre, en fonction notamment de la localisation du magasin et de la concurrence. Migrolino a, de surcroît, accès en temps réel à tous les fichiers informatiques: un Big Brother, version choux-fleurs et salades, qui différencie notablement la situation d’un franchisé de l’indépendance totale dont jouissait le petit épicier d’antan.
Pour ce qui est des satellites Denner, l’encadrement est moins important: «Un conseiller de vente passe régulièrement, mais il n’y a pas de formation au niveau interne», témoigne un franchisé. Un aspect sur lequel Denner insiste: «Le propriétaire d’un satellite Denner peut agir de manière plus indépendante que ses concurrents. Il peut donc mieux adapter son assortiment et la présentation de son magasin en fonction du marché.»
L’argent: gros investissement
Mais soyons clair: il faut de l’argent, beaucoup d’argent pour ouvrir un commerce franchisé. Et les intéressés recourent souvent à la famille pour trouver les fonds nécessaires. «Le partenaire a besoin de 50 000 fr. pour le capital social et de 50 000 fr. supplémentaires en tant que garantie bancaire», explique Migrolino. Mais, du côté des gérants franchisés du groupe, on rappelle qu’il faut aussi rembourser, en douze mensualités, le premier stock, d’une valeur de 50 000 fr. à 80 000 fr. Les stations Migrol, qui appartiennent aussi à Migrolino, doivent de surcroît s’acquitter d’un droit d’entrée de 25 000 fr.
Pour Coop Pronto, devenir gérant coûte «entre 80 000 fr. pour une station-service et 140 000 fr. pour un shop, afin d’acheter le stock de marchandises et créer une Sàrl», explique-t-on officiellement. Difficile, toutefois, de vérifier ces chiffres. L’enseigne interdit strictement à ses franchisés de parler aux journalistes, si bien que nous avons essuyé plusieurs refus.
De son côté, Denner affirme laconiquement que la somme nécessaire «dépend de la surface du magasin». Renseignements pris sur le terrain, la facture initiale est notablement alourdie par le fait que le franchisé doit acheter l’équipement dont certains éléments, comme les frigos, coûtent cher, contrairement à Coop Pronto et à Migrolino qui remettent le magasin clés en main. Selon nos sources quelque 300 000 fr. peuvent être nécessaires pour ouvrir un satellite Denner.
Payer la franchise
Les gérants sont tenus de s’approvisionner auprès du franchiseur, à l’exception de quelques produits régionaux, et de vendre la marchandise au prix fixé par ce dernier. En contrepartie, ils bénéficient de toute son infrastructure publicitaire. Ils s’acquittent aussi d’une taxe de franchise dont le taux varie selon le chiffre d’affaires. Plus ce dernier est important, plus le taux monte, jusqu’à une certaine limite. Ce dernier, qui inclut le loyer, s’élève souvent aux alentours de 10%.
Selon les témoignages recueillis, les gérants ne doivent pas craindre les semaines de 50 heures. Souvent, notamment dans les stations-services et les shops de gare, les horaires d’ouverture sont bien plus longs que dans un magasin classique, et les franchisés se trouvent face à un dilemme: travailler moins en engageant plus de personnel, et donc en gagnant moins aussi, ou travailler plus pour gagner plus. L’un d’entre eux, qui a ouvert son shop en station-service il y a plus d’un an, confiait n’avoir pris qu’un jour de congé depuis lors.
Faire les comptes, ranger un rayon, aller à la caisse ou même nettoyer le sol après la chute d’une bouteille, le gérant est un peu l’homme à tout faire. Mais bien qu’elles déplorent une concurrence de plus en plus féroce, aucune des personnes que nous avons contactées ne regrette son choix. Les salaires varient en fonction de la masse salariale. Markus Laenz linger, directeur de Migrolino, précise que le revenu annuel d’un franchisé, fixé après discussion avec le franchiseur, tourne autour de 80 000 fr à 100 000 fr. brut par année.
Remarque: les commerces photographiés ne sont pas ceux des personnes qui ont accepté de témoigner.