Il y a un an, une connaissance d’Odile Ruedin lui proposait un «challenge de remise en forme de 16 semaines», accompagné de compléments alimentaires de la marque Juice Plus+. «Un peu sceptique, mais mal dans ma peau à cette époque, j’ai accepté», confie notre lectrice des Breuleux (JU). Coût: 138.25 fr. de poudres et de gélules par mois, soit la bagatelle de 553 fr. sur 16 semaines, renouvelable automatiquement. Notre lectrice a interrompu son «challenge» après quelques semaines et nous a fait part de ses critiques concernant le système de vente de Juice Plus+, l’utilité des compléments et leur prix. Elle n’est pas la première. Depuis sa création en 1993, la multinationale américaine a fait l’objet de nombreuses controverses. A commencer par son système de distribution. Juice Plus+ vend ses compléments par le biais d’indépendants franchisés qui touchent un pourcentage sur les ventes. Ces «partenaires franchisés» peuvent encourager d’autres personnes à devenir elles-mêmes partenaires en les parrainant. Le recrutement en tant que tel n’est pas rémunéré, mais les parrains peuvent créer une «organisation de vente» avec leurs recrues, ce qui leur permet de toucher un pourcentage sur les ventes de ces derniers. Plus le système s’étend, plus les parrains touchent de commissions, et plus Juice Plus+ vend de compléments. Sans oublier les «frais administratifs» annuels que l’entreprise perçoit auprès de ses franchisés.
Un système pyramidal?
Un procédé rudement efficace, sauf qu’il ressemble aux systèmes dits «boules de neige» ou «pyramidaux». Ces derniers reposent sur le recrutement intensif de nouveaux membres pour rémunérer les anciens, et sont illégaux. Mais voilà, «tous les systèmes de marketing à paliers multiples ne sont pas nécessairement illégaux. Et la distinction n’est pas toujours simple à faire», reconnaît Livia Willi, du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Une des caractéristiques des versions illégales est qu’elles misent essentiellement sur le recrutement de nouveaux participants plutôt que sur la vente de marchandises. Toutefois, les critères distinctifs sont nombreux, et chaque cas doit être minutieusement analysé. Le SECO refuse donc de se positionner: «Seul un tribunal peut trancher la question de savoir si les pratiques de Juice Plus+ tombent sous le coup de la loi.» L’Office fédéral peut déposer une plainte lorsque «les intérêts collectifs» sont lésés, mais il «n’a reçu à ce jour qu’un nombre retreint de réclamations concernant cette société»…
Compléments à prix d’or
L’entreprise, d’ailleurs, semble avoir pris ses précautions. Alexander Coelho, directeur pour l’Europe centrale et de l’Ouest, souligne que Juice Plus+ agit «en conformité avec toutes les législations en vigueur». Et il nous précise la stratégie légaliste de l’entreprise: «Contrairement aux pratiques pyramidales non autorisées, nous avons un plan de rémunération qui est uniquement basé sur la vente de nos produits aux consommateurs, et non sur l’acquisition de nouveaux membres. Nous générons notre revenu à partir de nos produits et comptons plus d’un million de clients et 200 000 partenaires dans plus de 25 pays.»
Une chose est sûre, avec autant de clients, Juice Plus+ est un juteux business. Un petit tour sur le magasin en ligne de la société montre que le coût des compléments peut atteindre 216 fr. par mois! Des prix qui choquent Nicoletta Bianchi, diététicienne en chef adjointe au CHUV, mais que défend Alexander Coelho: «Nous utilisons uniquement des ingrédients de la plus haute qualité (…). Nous régulons en permanence les coûts de l’ensemble de notre chaîne d’approvisionnement pour garantir que nos prix sont compétitifs sur le marché.»
Au-delà du coût, Nicoletta Bianchi estime que ces produits n’ont aucune utilité (lire encadré).
Alexander Coehlo rétorque que «les compléments alimentaires et substituts de repas ne remplacent en aucun cas une alimentation équilibrée et variée. Mais parce qu’il peut être difficile de maintenir quotidiennement une alimentation équilibrée et variée fournissant toutes les vitamines, les minéraux et les nutriments, nous offrons une possibilité de combler les déficiences qui peuvent se créer.» Nicoletta Bianchi recommande, elle, de tout simplement concentrer ses efforts sur une alimentation équilibrée. «Vous soignerez ainsi votre corps… et votre porte-monnaie!»
Sébastien Sautebin
«Ces produits sont complètement inutiles»
«Juice Plus+ contient des nutriments qui ont été prouvés comme ayant des effets bénéfiques sur la santé», peut-on lire sur le site de la société. Des affirmations qui ne convainquent absolument pas Nicoletta Bianchi, diététicienne en chef adjointe au Service d’endocrinologie, diabétologie, métabolisme et nutrition clinique du CHUV: «J’ai été frappée par les prix, qui sont totalement exagérés, mais, surtout, ces produits sont inutiles. Ce n’est que du business. Honnêtement, je ne vois pas l’intérêt d’en prendre si l’on mange de façon équilibrée.» Mais ne peuvent-ils pas apporter un bénéfice quelconque? «Non, ils sont inutiles dans tous les cas de figure! Pour l’obésité par exemple, il faut une modification des habitudes de vie, on ne résoudra pas le problème avec un produit X ou Y.» De manière générale, la spécialiste conseille d’éviter les aliments transformés. Et encourage une alimentation locale plus végétale qu’animale, avec beaucoup de fruits et de légumes, en réduisant les viandes à deux fois par semaine.