Aux portes de la saison froide, nous nous sommes intéressés à la vitamine C naturellement contenue dans les oranges et, en particulier, à leur jus. Une lecture attentive des étiquettes des différentes boissons ne laisse pas filtrer de grandes variations entre les marques, mais est-ce réellement le cas? De même, ces jus vendus dans les grandes surfaces contiennent-ils davantage de vitamine C que celui d’oranges pressées minute?
En partenariat avec l’émission On en parle (RSR, La Première), nous avons donc confié à l’Institut suisse des vitamines (ISV), dix-sept jus achetés dans le commerce ainsi que des oranges destinées à être pressées par le laboratoire. Quatorze produits de notre sélection sont issus de concentrés (voir tableau). Cela signifie que les oranges ont été pressées et leur jus réduit afin d’en limiter le volume avec, donc, des coûts de transport vers le pays de destination (la Suisse, par exemple). Une fois sur place, le jus naturel est reconstitué au moyen d’un ajout d’eau. Les trois autres boissons que nous avons retenues n’ont pas subi ce traitement: les agrumes ont été pressés, puis leur jus conditionné.
«Acide ascorbique»
Premier constat: le jus des oranges pressées par le laboratoire affiche une teneur en vitamine C supérieure à la majorité des boissons commercialisées. Seuls deux produits (Denner et Wesergold) en contiennent davantage, mais il s’agit de vitamine C ajoutée par les fabricants. «Chimiquement indécelable, ce complément n’a aucune incidence sur la qualité nutritionnelle du jus», précise Petra Mèche, diététicienne à la Haute Ecole de santé, à Genève. Seule son indication sur l’emballage reste peu claire: les deux fabricants mentionnent «acide ascorbique», soit le nom scientifique. «Par égard pour le consommateur, il serait plus logique d’indiquer vitamine C», relève André Cominoli, chimiste cantonal adjoint à Genève.
Deuxième constat: les jus les plus chers contiennent souvent moins de vitamine C. Sans aborder la question du goût, payer plus dans l’espoir d’obtenir davantage de vitamine C est donc un mauvais calcul! Mieux vaut, dans ce cas, opter pour un jus pressé maison, dont le prix au litre revient à quelque 6 fr.
Différences trop élevées
Troisième constat: tous les jus que nous avons fait analyser respectent les prescriptions légales en matière d’étiquetage. Celles-ci sont certes laxistes, puisque même les emballages qui omettent toute mention sont en règle.
Seul bémol: l’écart entre la teneur en vitamine C indiquée (lorsque c’est le cas) et celle que nous avons mesurée. Cela s’explique par la rapide dégradation de cette substance. Les fabricants nous ont précisé que leurs indications sont systématiquement inférieures puisqu’elles correspondent à celles que devrait contenir le jus à la date limite de consommation. Mais cette différence ne peut être excessive. En effet, selon une norme spécifique aux jus à teneur en vitamine C naturelle, cette marge de tolérance ne doit pas dépasser 30%. Par conséquent, les jus Rio d’Oro, Lufrutta, Prix Garantie et Coop Naturaplan, dont les différences atteignent respectivement 73%, 48%, 37% et 105%, ne sont pas conformes. «Ce défaut d’étiquetage doit être corrigé», avertit André Cominoli.
Coop a promis de rectifier le tir, Ramseier (producteur du Lufrutta) dit vouloir analyser la situation. Mineralquelle Zurzach (Rio d’Oro) ne changera rien à sa pratique et se contente de respecter la teneur minimale indiquée sur l’emballage.
Nicolas Zeitoun
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
GROS PLAN
Inutile apport journalier
Sur leurs emballages, les fabricants indiquent en général la teneur en vitamine C par rapport à l’AJR (apport journalier recommandé). Cette précision, destinée à informer les consommateurs, n’atteint pas cet objectif. Et pour cause: l’évaluation de l’apport journalier varie d’un fabricant à l’autre. Certains considèrent que 30 mg/100 ml correspondent à 50% de l’AJR (soit 60 mg) et d’autres à 38% seulement (80 mg). Pourquoi un tel désordre?
Il s’explique par un délai de tran sition accordé aux fabricants. Ces derniers ont, en effet, jusqu’au 31 oc to bre 2012 pour appliquer la nouvelle valeur de l’AJR pour la vitamine C, entrée en vigueur en mai 2009. De 60 mg par jour pour un adulte, l’AJR est passé à 80 mg. Les fabricants de jus mentionnent l’ancienne version de l’AJR (Wesergold, Rio d’Oro, Hohes C, Vitafit, Coop Prix Garantie et Naturaplan, Casino, M-Budget et Tropicana) ont donc encore deux ans pour modifier leur étiquetage. Et tant pis s’il est impossible pour le consommateur de s’y retrouver d’ici là. «Ce délai transitoire est trop long, juge Pierre Bonhôte, chimiste cantonal adjoint à Neuchâtel, et crée de la confusion chez les consommateurs.»