Quand on jette un œil sur ses vingt ans d’existence, Smala ressemble un peu à un poulpe hyperactif. On retiendra de l’activité foisonnante de l’association lausannoise qu’elle a initié la Chambre vaudoise de l’économie sociale et solidaire, relancé la Nuit de la photo ou encore soutenu la création d’une centaine de microentreprises et d’associations culturelles et sociales.
Par ailleurs, Smala, dont le but statutaire est «d’appuyer et d’entreprendre des initiatives d’écologie communautaire», a géré, au fil des ans, près de 40 maisons dans lesquelles plus de 1200 personnes ont cohabité. Autant de laboratoires où l’on a «beaucoup recyclé et peu dépensé, géré les conflits, trouvé des solutions et beaucoup appris».
Ecopol, nouveau label
Le fruit de ces vingt ans d’expérience a désormais un nom: Ecopol, un bébé né cette année sous forme d’un label qui servira de socle aux nouveaux projets. Car les précédentes habitations, prêtées par leurs propriétaires avant réaffectation, étaient par définition éphémères. Smala vient donc de franchir une nouvelle étape en achetant, via la Coopérative Bâtir Groupé créée en 2006, des terrains à Grandvaux, Cheiry et Lucens (VD). Cette fois, il s’agit de construire. Le site de Lucens devrait ainsi compter une trentaine d’écologements, les deux autres étant de dimensions plus modestes (trois à six unités).
«Pour financer le projet, explique Théo Bondolfi, en charge du dossier, nous avons créé des parts sociales avec un rendement prévu de 3,5%, un ordre de grandeur similaire à celui d’autres coopératives.» Les locations seront attribuées en priorité aux personnes ayant acheté des parts. Montant minimal: 10000 fr., mais idéalement 50000 fr. à 100000 fr. On est loin du cliché des doux rêveurs à barbe fleurie que le terme d’«écologie communautaire» aurait pu suggérer. Théo Bondolfi parle «d’entrepreunariat social», affiche sa détermination à mener «un projet économiquement viable» et évoque même «le bon côté du capitalisme».
Pour autant, la philosophie de Bâtir Groupé reste de «soustraire durablement les biens immobiliers à la spéculation». La coopérative bloquera donc les loyers et s’interdira de revendre à un prix supérieur. Cette absence de but lucratif constitue l’un des principes du label Ecopol, qui s’articule encore autour de quatre grands axes: la mixité générationnelle et culturelle, l’utilisation de matériaux naturels, la volonté de générer des revenus sur place par le biais de services aux personnes et de microentreprises (services aux habitants fournis par les habitants) et la mutualisation d’espaces, de matériels et de services. Mutualisation? Le système est partiellement né du constat que le volontariat et le bénévolat (exemple tout bête: le nettoyage des espaces communs…) ne donnaient pas de résultats satisfaisants. Dès lors, très concrètement, chaque foyer verse un certain montant en fonction de la surface du logement à un fonds commun. Tous les mois, une séance de quatre heures permet de définir quels biens et services communs seront financés par ce fonds. Il permet, par exemple, de rétribuer le service de nettoyage, mais aussi l’achat de produits partagés, la connexion internet, etc. De même, chaque cohabitant dispose de son logement privé, mais une partie des espaces est mutualisée, par exemple pour un atelier de bricolage, un salon ou un potager.
Ruptures socioéconomiques
Dans la pratique, tout n’est pas forcément évident à mettre en place. «L’expérience montre qu’il faut compter trois à quatre ans pour que la communauté soit durable», explique Théo Bondolfi. Et les habitants sont acceptés à l’essai pendant un an, par le biais d’un bail à durée déterminée, avant d’être définitivement admis. De surcroît, chaque année, la viabilité de la communauté est évaluée au moyen d’une expertise extérieure effectuée par un partenaire indépendant sur la base d’un imposant questionnaire de… 70 pages! En cas d’échec du projet Ecopol, les nouvelles constructions seront transformées en PPE.
Sébastien Sautebin
www.lasmala.org