Il est loin le temps où chaque objet était rafistolé pour être usé jusqu’à la corde. Aujourd’hui, le mot «réparation» est devenu incongru, en particulier dans le secteur électronique. A la moindre avarie, tout est orchestré pour que le client soit poussé à changer d’appareil. L’une des stratégies les plus éprouvées, c’est de rendre les frais de réparation si exorbitants qu’il est souvent plus rentable de jeter l’objet pour en racheter un nouveau.
Chérot l’écran…
Les tribulations d’Alfred Flueckiger démontrent pourtant qu’il vaut la peine de ne pas céder aux lois de ce gaspillage organisé. Au mois d’août, sa fille a eu la mauvaise idée de soulever son ordinateur portable par un coin de l’écran. Lequel n’a pas résisté à la torsion et la dalle s’est brisée. Notre lecteur yverdonnois a tenté de faire marcher la garantie encore valable. Mais, comme il le craignait, le fabricant n’est pas entré en matière, estimant que le dommage découlait d’une mauvaise manipulation.
Bon joueur, Alfred Flueckiger n’a pas contesté cette décision. En revanche, il a très peu goûté le devis de réparation que l’atelier lui a établi. Entre les pièces détachées (480 fr.), la main-d’œuvre (200 fr.) et les frais divers, le total se montait à 815.40 fr. A se demander qui aurait pu accepter de dépenser un montant aussi délirant pour un appareil acheté neuf, huit mois plus tôt, pour moins de 600 fr...
Le devis facturé
Dans cette affaire, notre lecteur pensait être immunisé contre les mauvaises surprises. A tort. Lorsqu’il a voulu récupérer son ordinateur – non réparé – Conforama lui a réclamé 150 fr. Montant qui ne figurait nulle part dans les conditions générales, qu’il avait soigneusement lues avant de confier son PC au service après-vente.
Pas disposé à dépenser une telle somme pour récupérer son appareil défectueux, il n’a pas hésité à signifier son indignation par écrit au magasin. Qui a consenti à faire un geste en réduisant le montant à 75 fr., ce qu’Alfred Flueckiger a accepté.
Opération facile
Le meilleur restait encore à venir. Encombré d’un ordinateur toujours aussi inutilisable, notre lecteur a trouvé sur internet une entreprise américaine qui vend des dalles LCD. Le modèle correspondant à son PC était affiché 62.99 dollars. Frais divers (envoi, etc.) inclus, la commande, livrée en trois jours à peine, lui revient à 111.51 dollars, soit quelque 105 fr.
Ensuite, Alfred Flueckiger a fouillé sur internet pour dénicher un mode d’emploi. Les informations trouvées, il a empoigné un petit tournevis cruciforme et un cutter pour démonter l’ancienne dalle, puis remonter la nouvelle. L’opération n’a pris que 45 minutes. «Mais comme je l’ai filmée afin de publier une vidéo explicative pour d’autres camarades d’infortune, j’ai perdu un peu de temps. Sans cela, la réparation m’aurait pris 30 minutes à peine!» lance-t-il.
Sous le pseudonyme de «zenalf1», il a ensuite publié la vidéo de l’opération sur youtube.com, qu’on retrouve en tapant «easynote ts 45» dans le moteur de recherche du site. Cela lui a valu une ristourne de 20 dollars de la part du fournisseur de la dalle LCD qui rémunère ceux qui lui permettent d’étoffer sa bibliothèque de modes d’emploi.
De 815 fr. à 86 fr…
Au final, le changement de l’écran lui aura coûté 91.51 dollars, soit un peu moins de 86 fr. Une paille par rapport au devis total (815.40 fr.) du magasin. «Les réparations sont prises en charge par un centre indépendant agréé par Conforama. Or, les pièces défectueuses sont échangées uniquement par des pièces du fabricant, de qualité équivalente à celles de l’appareil d’origine», se défend Mireille Frick, porte-parole de Conforama.
Il n’en demeure pas moins que même le prix du devis (150 fr.) pour récupérer un appareil défectueux était 74% supérieur au coût de la réparation maison. «Le centre technique a dû démonter l’ordinateur pour, ensuite, le remonter, justifie Mireille Frick. Ce diagnostic nous a été facturé 100 fr. que nous avons ensuite majoré par les frais d’envoi et de dossier.» Quoi qu’il en soit, l’expérience d’Alfred Flueckiger prouve une fois encore qu’on est toujours mieux servi par soi-même. Et, surtout, pour nettement moins cher.
Yves-Noël Grin