L’affaire a fait grand bruit chez nos voisins. Le 1er février dernier, L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a rendu publique une liste de 77 médicaments faisant l’objet d’un suivi renforcé ou d’une enquête de pharmacovigilance. Objectif inavoué: se racheter une conduite après le scandale du Mediator. L’agence s’est empressée de préciser que cette liste constitue avant tout «une garantie pour les patients, à savoir qu’il existe une surveillance proactive de ces médicaments et que les mesures adaptées seront prises, si nécessaire».
Lecteurs inquiets
Or, au lieu de rassurer, cette publication a soulevé un vent de panique qui n’a pas manqué de souffler jusqu’en Suisse, où une cinquantaine de ces médicaments sont commercialisés et une dizaine d’autres disponibles sous un autre nom.
De nombreux lecteurs ont d’ailleurs interpellé la rédaction de Bon à Savoir, afin de connaître plus précisément les risques annoncés (atteintes hépatiques ou musculaires, risque de cancer ou de problèmes cardiovasculaires, toxicité pulmonaire, lymphomes cutanés, etc.) mais, surtout, sur l’attitude à adopter.
Le document, qu’on trouve facilement sur internet*, ne semble, pour l’instant, pas trop préoccuper Swissmedic, responsable de la sécurité des médicaments dans notre pays (lire encadré). L’institut explique simplement «n’avoir pas encore examiné de manière détaillée la liste de l’Afssaps».
Cette attitude est d’autant plus surprenante que, parmi la douzaine d’alertes pour des médicaments présentant des risques, envoyées aux médecins l’an passé par Swissmedic, se trouvent quelques produits pointés du doigt par l’Affsaps. Il y a, par exemple, le Tysabri, indiqué pour la sclérose en plaques, mais qui peut provoquer des leucoencéphalo pathies multifocales progressives, une sorte de maladie de Creutzfeld-Jacob ainsi que les médicaments contre l’acné sévère contenant de l’isotrétinoïne (dont le Roaccutan), suspectés d’engendrer notamment des troubles psychiatriques, des affections de la peau ou encore du système gastro-intestinal.
En parler à son médecin
Dans ce flou total, que doivent faire les consommateurs? Interpellé, Christophe Rossier, président de la Société vaudoise de pharmacie, estime que «la transparence est une bonne chose en soi, à condition qu’elle ne provoque pas la panique».
Il insiste surtout sur le fait que les risques d’effets secondaires mentionnés sur la liste ne doivent en aucun cas amener les patients à interrompre leur traitement de leur propre chef. «En revanche, les consommateurs sont en droit de demander des explications à leur médecin. Le mieux est donc d’en discuter avec lui, de savoir pourquoi il a prescrit tel médicament et s’il existe une alternative. Dans bien des cas, c’est possible.» Et, si la situation l’exige, le patient doit se sentir libre de demander un second avis médical ou le point de vue d’un pharmacien.
La médecine n’est en effet pas une science exacte et l’appréciation de la balance bénéfices – risques d’un médicament peut varier d’un spécialiste à un autre.
Sébastien Sautebin
Lien du mois:Liste des médicaments
SUR LE TERRAIN
Vigilance, sauce Swissmedic
En Suisse, les différents acteurs du marché, en particulier les médecins, sont tenus par la loi de rapporter à Swissmedic les effets indésirables des médicaments. «Lorsque ces annonces font apparaître de nouveaux risques, les mesures requises sont prises», affirme l’institut.
Swissmedic peut ainsi exiger des fabricants une adaptation de l’information sur le médicament, de sorte que les nouveaux effets secondaires y soient mentionnés, ou limiter l’emploi du produit. Il peut aussi astreindre les entreprises à envoyer aux professionels de la santé une lettre, afin de les sensibiliser à de nouveaux risques. C’est ce qui s’est par exemple passé le 27 janvier dernier lorsque l’institut a demandé à Sanofi-Aventis d’écrire un courrier aux hôpitaux et aux médecins concernant le HPC Multaq (dronédarone). A la suite de cas d’atteinte hépatique sévère, il est désormais recommandé de procéder notamment à un contrôle de la fonction hépatique avant le début du traitement et d’assurer un suivi régulier des tests hépatiques.
Dans les cas les plus sérieux, notamment si le niveau de risques est supérieur aux avantages, Swissmedic a le pouvoir de faire retirer le médicament du marché.