Bitcoin, ce nom ne vous dit sans doute rien. Pourtant, cette monnaie virtuelle, réservée au web, agite de plus en plus les esprits. «Elle opère à un niveau global et peut être utilisée avec tous les types de transaction, autant pour les biens et services virtuels que réels, entrant ainsi en concurrence avec les monnaies officielles comme l’euro ou le dollar», souligne ainsi la très sérieuse Banque centrale européenne (BCE) dans le dossier de 50 pages qu’elle lui a consacré en octobre dernier.
Il est vrai que le bitcoin intéresse aussi les «méchants», et pas des moindres. Ainsi, le sulfureux Kim Dotcom, créateur du site de téléchargement Megaupload fermé par le FBI, va l’accepter comme moyen de paiement sur sa nouvelle plateforme Mega. Mais, outre les réseaux mafieux qui pourraient blanchir de l’argent par ce biais et quelques spéculateurs alléchés par la flambée du cours (lire encadré), le système séduit aussi des «gentils». Une poignée de sites connus, à l'instar de Wordpress ou de Wikileaks, l’ont adopté comme alternative de paiement, ainsi que plusieurs centaines de milliers d’internautes – les estimations vont de quelques dizaines de milliers à un million - pour acheter ou vendre des biens et services sur la toile. L’audience reste donc, pour l’heure, modeste, mais, si ce système a retenu l’attention de la BCE et de Kim Dotcom, c’est parce qu’il recèle un gros potentiel.
Adieu Visa, Mastercard et Paypal
Créé en 2009 par le mystérieux Satoshi Nakamoto – un pseudonyme, peut-être pour un groupe de personnes – bitcoin est en fait à la fois une devise monétaire et un système de paiement sécurisé reposant sur la technologie peer-to-peer (p2p), à la manière de BitTorrent.
Concrètement, l’utilisateur peut ouvrir un portefeuille en ligne proposé par divers sites ou télécharger le logiciel libre (www.bitcoin.org) et stocker son argent virtuel sur son ordinateur (au risque d’être piraté et de se le faire voler). Il peut changer des bitcoins sur différentes plateformes, en obtenir en vendant des biens ou des services ou encore en recevoir quelques-uns gratuitement s’il met son ordinateur au service du distributeur, un principe un peu étrange nommé «minage».
Bitcoin n’est contrôlé ni par une institution ni par un Etat. La sécurité de ce système p2p repose uniquement sur des procédés cryptographiques. Il permet donc d’effectuer des transactions anonymes directes d’un internaute à un autre en s’émancipant des géants qui gèrent l’ensemble des paiements en ligne, comme Visa, MasterCard et PayPal, et des commissions qu’ils perçoivent. C’est là sans doute son avantage majeur: les transactions sont gratuites ou d’un montant sensiblement bas. Le Français Pierre Noizat a ainsi créé Paytunia, une sorte de PayPal à commissions réduites qui autorise les achats en euros, mais utilise le réseau bitcoin.
Doté d’un gros potentiel, le système est, en revanche, extrêmement opaque pour le profane. La Banque centrale européenne souligne que «les utilisateurs peuvent facilement télécharger l’application et commencer à utiliser bitcoin même s’ils ne savent pas, en fait, comment le système fonctionne et quels risques ils prennent vraiment». Or, qui peut garantir que cette monnaie ne disparaîtra pas du jour au lendemain? Gavin Andresen, un des développeur du système bitcoin a bien résumé la situation: «Traitez-le comme vous traiteriez une start-up prometteuse: peut-être changera-t-elle le monde, mais réalisez qu’investir votre argent dans des idées nouvelles est toujours risqué.»
Sébastien Sautebin
Spéculer sur le bitcoin?
En deux mois, du 15 janvier au 6 mars 2013, le cours de la monnaie virtuelle est passé de 10.97 euros à 36.56 euros, un niveau jamais atteint depuis sa création. De quoi donner des envies de spéculer sur la cyberdevise, même si une précédente hausse spectaculaire en 2011 avait été suivie d’un effondrement du cours.
Cette flambée est-elle le signe d’un intérêt croissant des internautes pour le bitcoin ou de manœuvres spéculatives? Difficile à dire. En limitant d’entrée de jeu le nombre définitif de bitcoins à 21 millions, son créateur voulait dans tous les cas que son bébé échappe à la spirale inflationniste des monnaies classiques, en créant une pénurie artificielle, censée stimuler sa valeur.