Sur le petit écran, un doigt invisible trace la croix suisse sur des grains immaculés. Selon les estimations de Guido Stäger, directeur de Sucre Suisse, la publicité coûte à la branche quelque 1% de son chiffre d’affaires annuel. Celui-ci s’élevant à 241 millions de francs, on peut donc en déduire que 2,41 millions servent à promouvoir le cristal helvétique auprès des consommateurs, dont la moitié pour les spots télévisés.
Cet argent est-il bien investi? Rien n’est moins sûr, car seulement 10% de la production annuelle indigène finit dans l’assiette des Suisses. Et, dans les supermarchés, on ne trouve que du sucre… helvète! Le reste est vendu à l’industrie alimentaire pour être transformé ou revendu à l’étranger.
Il n’est donc guère étonnant de voir les distributeurs s’interroger sur les moyens dilapidés par la branche. «Sur nos étals, 100% des paquets de sucre proviennent d’ici, car Coop mise sur la production indigène», relève son porte-parole, Urs Meier. Les grandes surfaces n’ont du reste aucun intérêt à s’approvisionner ailleurs, puisque le prix du kilo suisse est lié à celui qui est fixé dans l’Union européenne.
Or, depuis deux ans, Bruxelles a baissé le prix de la tonne de sucre de 720 Ä à 425 Ä, imposant une diminution semblable à la branche suisse. Cette politique a évidemment des répercussions directes pour les producteurs de betteraves sucrières.
Berne à la rescousse
La rémunération par tonne de tubercules a ainsi passé de 53 fr. à 45 fr. Pour permettre aux quelque 6500 familles paysannes qui en vivent de garder la tête hors de l’eau, Berne a augmenté ses subventions en conséquence. Celles-ci ont ainsi passé de 1400 fr. à 1600 fr. par hectare.
Cette compensation s’effectue par le biais des paiements directs. Estimés à 58 millions de francs pour la branche, ils sont financés par les contribuables. L’évolution du marché a certes été bénéfique pour l’industrie alimentaire, qui s’approvisionne à meilleur compte, mais le consommateur, lui, n’en a pas profité. Bien au contraire, puisqu’il paie ses impôts… et finance ainsi, malgré lui, des campagnes de publicité superflues.
Ruth Blum /chr