Pas facile de choisir sa viande séchée! Entre les labels régionaux, une large fourchette de prix et des modes de fabrication très différents selon les producteurs, le consommateur ne sait pas toujours ce qu’il achète. Pour évaluer la qualité des vingt échantillons testés, nous avons principalement pris en compte la répartition entre les oméga 3 et 6.
Ces acides gras sont dits «essentiels», parce qu’ils ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme. Ils doivent être apportés par l’alimentation. Les oméga 6 sont très abondants dans de nombreux produits transformés, contrairement aux oméga 3. Il est donc important de veiller à un bon équilibre entre les deux.
Bœuf bio ou de pâturage
Résultat: trois des quatre meilleurs articles de notre test proviennent du même fabricant, l’entreprise grisonne Fleischtrocknerei Churwalden. La viande de production biologique ou de pâturage sort clairement du lot. L’article de Migros Bio, issu d’un élevage en plein air, renfermait 200 milligrammes d’oméga 3 et 200 milligrammes d’oméga 6 par 100 g de viande. A l’inverse, le M-Budget, élaboré en Suisse avec du bœuf brésilien, ne contenait quasiment pas d’oméga 3, mais 400 milligrammes d’oméga 6.
Une teneur plus élevée en oméga 3 et plus faible en oméga 6 est la preuve d’un élevage respectueux des animaux. Ce constat émane de différentes mesures effectuées par l’Union européenne, dès 2004. Des chercheurs ont comparé les bovins nourris à l’herbe avec les animaux issus d’un engraissement traditionnel. La proportion d’oméga 3 était plus élevée dans le bœuf de pâturage. Une étude de l’Université britannique de Newcastle, en 2016, arrivait à la même conclusion (lire «Davantage d’oméga 3 dans le lait et la viande bio»).
Large choix
Reste que le consommateur peu sensible au bien-être animal trouvera un large choix dans les magasins de viande bon marché, riche en protéines, sans graisse, sans sucre et sans tissu conjonctif coriace. La plupart des produits testés ont obtenu de bons résultats sur ces différents critères. On trouve ainsi de la viande séchée de production conventionnelle pour moins de 6 fr. les 100 g. Le bœuf labellisé «bio» ou de pâturage coûte 2 à 3 fr. de plus.
Le laboratoire a également mesuré la teneur en nitrites. Les fabricants utilisent cet additif pour conserver la viande et lui donner une couleur rougeâtre. Il est soupçonné de favoriser la formation de nitrosamines cancérigènes dans l’organisme. Selection Bresaola de Lidl et Grischun de Coop Qualité & Prix en affichaient des taux élevés. Toutes les autres viandes séchées en contenaient très peu. Dans la plupart d’entre elles, le laboratoire a trouvé moins d’un demi-milligramme de nitrites.
Trop de sucre
De son côté, le Beef Jerky Original de l’entreprise américaine Jack Link’s affichait une teneur très élevée en sucre: 100 g de viande en renfermaient près de 20 g, soit l’équivalent de cinq morceaux de sucre! Les autres articles s’en sortent nettement mieux sur ce point. Les trois meilleurs de notre classement n’en contenaient qu’un gramme, tandis que, pour quatre autres, le laboratoire n’en a détecté aucune trace.
Les fabricants l’utilisent comme exhausteur de goût et pour contrôler le processus de maturation. Avec l’aide du sucre et du salpêtre, les bactéries font maturer la viande. Selon la quantité ajoutée, le sucre est presque entièrement décomposé par les bactéries au cours du processus.
Interpellé à propos de son produit, M-Budget, Migros écrit que la teneur en oméga 3 ne dépend pas seulement de la proportion de concentrés pour nourrir les ruminants. Il y a aussi des différences dans l’herbe de pâturage. En raison des conditions climatiques, le fourrage au Brésil n’a pas la même composition optimale qu’en Suisse, explique le groupe. Selon l’entreprise Ernst Sutter, qui produit pour Spar et Volg, la teneur en sucre devrait être inférieure à 2 g pour 100 g de viande. Toutefois, il est possible que le sucre ait été réparti de manière inégale. La viande des Grisons est un produit naturel qui nécessite beaucoup de travail manuel, souligne le fabricant.
Andreas Schildknecht / ab
Les critères du test
Un laboratoire allemand spécialisé dans l’alimentation a analysé vingt viandes séchées. Les experts ont examiné la teneur en graisse et la composition des acides gras. Ils ont également déterminé la proportion de tissus conjonctifs et mesuré la teneur en sucre et en nitrites. Tous les échantillons ont été soumis à des tests microbiologiques pour détecter des germes dangereux. Aucune viande séchée ne contenait de bactéries pathogènes, telles que la listeria, les staphylocoques ou les salmonelles.
Les secrets de fabrication de la viande séchée
Chaque viande séchée a ses propres règles de fabrication. Celle des Grisons, au bénéfice d’une «indication géographique protégée (IGP)» depuis 2000, ne peut être vendue comme telle que si elle a été salée, séchée et pressée à une altitude d’au moins 800 mètres, dans les Grisons. Les morceaux sont séchés exclusivement à l’air. Fabriquée à partir de cuisses de bovin, la viande peut, cependant, provenir d’autres pays que la Suisse.
La viande séchée du Valais est également protégée en tant qu’IGP depuis 2003. Préparée uniquement avec du bœuf suisse, elle ne peut être élaborée qu’en Valais. La matière première utilisée se compose aussi de morceaux de cuisses de bovin. A l’instar de celle des Grisons, la viande peut être pressée, mais en aucun cas fumée. Les pièces préparées sont assaisonnées avec un mélange de sel, d’épices et d’herbes, selon la recette traditionnelle propre à chaque fabricant.
De son côté, la Bresaola produite en Lombardie, dans le nord de l’Italie, est également séchée à l’air. Elle est toutefois moins salée que la viande des Grisons. L’Appenzeller Mostbröckli n’est, en revanche, pas une viande séchée classique. Protégé par une IGP, il est non seulement saumuré et séché, mais aussi fumé durant plusieurs heures.