Chaque Suisse consomme en moyenne 1,2 kg de miel par an. Un tiers seulement est de provenance nationale, alors que le reste vient principalement d’Europe du Sud-Est, d’Amérique et d’Asie. Mais que cachent-ils vraiment? C’est ce que nous avons voulu savoir en confiant douze miels de fleurs à un laboratoire spécialisé, dont quatre d’origine suisse et huit de provenance étrangère.
Les analyses ont porté sur la qualité des produits et l’exactitude des indications de provenance (lire «Les critères du test»). Les experts ont également traqué la présence de résidus de pesticides, de substances végétales toxiques et de traces d’organismes génétiquement modifiés (OGM).
De l’eau avec modération
Un critère évident dans l’évaluation qualitative du miel est la teneur en eau. Plus celle-ci est élevée, plus la fermentation est rapide. Conséquence: des bulles se forment et une odeur désagréable s’en dégage. Selon la loi suisse, la proportion d’eau ne devrait pas dépasser 20%. Sur ce point, le seul à obtenir la note maximale est le vainqueur du test avec un pourcentage de 15,8% seulement. Mais, globalement, il n’y a pas eu de mauvais élèves puisque tous les échantillons avaient un taux inférieur à 18%, à l’exception du miel cristallisé bio de Migros qui était néanmoins conforme à la loi.
Ce que l’on constate surtout, c’est que les pots d’origine suisse font fort en occupant quatre des cinq premières places (voir tableau). Les trois meilleurs monopolisent même le podium avec la mention finale «très bon». Leur prix est certes plus élevé en raison d’une production essentiellement artisanale et d’une récolte concentrée sur trois à quatre mois seulement. Mais notre test montre que leur qualité est à l’avenant.
Les trois miels en provenance de Bulgarie et d’Europe de l’Est ont également bien tiré leur épingle du jeu. Le constat est moins réjouissant pour les produits d’Amérique centrale et du Sud. Si leur qualité globale n’était pas mauvaise, la majorité renfermait des pollens d’organismes génétiquement modifiés. Présence que nous avons pénalisée d’un point dans la note finale.
Du bio contaminé
Dans la foulée, le laboratoire a traqué la présence de plus de 600 pesticides, dont le glyphosate. La bonne nouvelle, c’est qu’il n’a rien trouvé. En revanche, il a décelé des toxines naturellement produites par certaines plantes: les alcaloïdes pyrrolizidiniques. Ces substances ont notamment montré des effets cancérigènes et dommageables pour le foie dans l’expérimentation animale.
Sur ce point, c’est le miel bio de Migros qui est le plus touché. Si un adulte en consomme 25 g durant une journée, il dépasserait le seuil de précaution fixé par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). Avec les deux autres produits contaminés, le Coop Qualité & Prix et le M-Budget, le niveau sécuritaire serait franchi pour des enfants qui en mangeraient 25 g par jour. Migros attribue la teneur élevée en alcaloïdes pyrrolizidiniques à la sécheresse et à la chaleur qui favoriseraient leur formation.
Le dilemme des OGM
A la lecture de nos résultats, Langnese explique que son miel a probablement eu trop chaud pendant le transport ou le stockage. A ses dires, sa qualité était meilleure au moment du remplissage. De leur côté, les producteurs concernés par les traces d’OGM soulignent qu’ils sont en conformité avec les exigences légales. Denner ajoute que les miels d’Amérique et d’Asie ne contiennent que de petites quantités de pollens issus d’OGM.
Il est vrai que la situation est problématique pour les apiculteurs d’Amérique centrale et d'Amérique du Sud où les OGM ont augmenté. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les deux tiers des pots sud-américains de notre test ont révélé de telles traces. Bien malin celui qui trouvera le moyen de guider les abeilles sur les plantes qui en sont exemptes…
Du bio très relatif
Le bio est également touché par cette impossibilité à cadrer la zone d’action des abeilles. Selon la loi suisse, le miel peut prétendre à ce label si 50% de la surface entourant la ruche est constituée de cultures bio, de forêts ou de plantes sauvages dans un rayon de 3 km. Le hic, c’est que les abeilles peuvent parcourir jusqu’à 10 km pour aller chercher le pollen et le nectar. Or, même en Europe, peu de régions peuvent se targuer d’avoir des cultures biologiques dans un tel rayon. C’est pourquoi, le miel 100% bio est une denrée extrêmement rare.
Lukas Bertschi / yng
Les critères du test
Le laboratoire a examiné les seize miels selon les critères suivants.
Teneur en eau:
Plus elle est élevée, plus le miel fermente rapidement. Si la proportion d'eau est inférieure à 17,5% le risque de fermentation est faible, selon le Centre de recherche apicole de Berne. La loi suisse fixe la limite à 20%.
Transformation:
Le miel doit être traité avec soin afin que les ingrédients sains soient préservés. Le laboratoire a vérifié s’il avait été chauffé inutilement. Le stockage a lui aussi son importance: le produit doit être conservé dans un récipient fermé et à l’abri de la lumière.
Alcaloïdes pyrrolizidiniques:
Selon l’Institut fédéral allemand d'évaluation des risques, ces polluants végétaux peuvent endommager le foie à forte dose. En outre, il a été démontré qu’ils sont cancérogènes dans le cadre d’expériences sur les animaux. Des pénalités – 1 point ou 0.5 point – ont été infligées en fonction de la contamination décelée.
OGM:
Les experts ont examiné si les miels contenaient du pollen provenant de plantes génétiquement modifiées.
Contrôle de l’origine: c’est l’analyse du pollen qui permet de déterminer la provenance d’un miel. On peut ainsi facilement distinguer un pot suisse d’un produit d’Amérique du Sud. Mais, dans une zone géographique plus restreinte comme l’Europe du Sud-Est, il n’est pas possible d’établir si le miel provient de Bulgarie ou de Roumanie. Car les pollens les plus répandus sont très similaires.
Analyse isotopique:
Cette approche a été choisie pour déterminer si du sucre avait été ajouté au miel. Comme l’avait déjà montré notre test réalisé en 2017 (lire «Ils n’ont pas été trafiqués avec du sucre»), tous les produits étaient irréprochables.
Pesticides:
Le laboratoire a traqué plus de 600 pesticides dans les pots, dont le fameux glyphosate. Aucune trace digne de ce nom n’a été décelée.