Œuvre d’art, salissure ou incivilité, peu importe. D’abord réservés à quelques bâtiments industriels isolés ou aux ouvrages d’art en béton, les fresques modernes occupent toujours plus de terrain, jusqu’à s’inviter sur les portes des garages, les vitres ou les façades des villas particulières. Pour le propriétaire d’un bâtiment sélectionné par un virtuose de la bombe aérosol et du stylo marqueur, l’important est d’effacer au plus vite l’oeuvre qu’il n’a, en général, pas sollicitée. Or, effectuée par une entreprise spécialisée, l’opération n’est pas donnée: compter en moyenne 650 fr., bien davantage selon les dimensions du tag, de la peinture utilisée et de la surface souillée. Mais s’il n’y a pas de solutions miracle, des parades existent.
«Kärcher» à proscrire!
Autant le dire d’emblée, la lutte est inégale. Certains «graffeurs» et «taggeurs» ont acquis de solides connaissances en chimie et confectionnent des laques de leur cru, dont certaines sont tout bonnement impossibles à éliminer, témoigne un responsable de l’unité antitag de la Ville de Genève. De leur côté, les sociétés de nettoyage se sont aussi constitué un arsenal de produits chimiques et de machines sophistiquées projetant de l’argile, des billes de plastique ou du bicarbonate pour éliminer le graffiti, sans (trop) endommager le support. Mais sans toujours y parvenir.
Le particulier, lui, est moins armé. Les produits de nettoyage antitag ne se trouvent pas dans les magasins de bricolage, ou alors, de l’aveu même d’un vendeur de Hornbach, ils ne sont pas efficaces… Quant au «kärcher», il est à proscrire, prévient René Koeppel, directeur de l’entreprise Neconet SA. Trop agressif, il risque de rendre la surface rugueuse, ce qui favorise l’apparition de moisissures et permettra, en plus, au prochain tag de mieux s’accrocher… Alors que faire?
Prévenir plutôt que guérir
Il vaut toujours mieux prévenir que guérir en appliquant une couche de vernis spécifique sur les surfaces à risque. Ces enduits forment un film de protection qui empêche la peinture de s’incruster dans le support, tout en laissant le mur respirer. On conseille d’opérer sur une hauteur de 2,5 m, soit, grosso modo, la distance atteignable par le bras du taggeur, celui-ci se déplaçant rarement avec un escabeau. Il suffit ensuite de lessiver la surface souillée avec une pâte de nettoyage prévue à cet effet, voire à l’eau chaude dans le meilleur des cas.
Ces produits sont vendus par quelques fabricants de peintures spécialisés. L’Antigraffiti Aqua Incolore (Socol SA), par exemple, promet de faire barrage à la «quasi-totalité» des graffitis, ce qui exclut certaines peintures chimiques dites justement irréversibles. Il peut être lessivé une dizaine de fois avant de devoir être remplacé. A base de polyuréthane à deux composants, on le pose au rouleau, au pinceau ou au pistolet sur les surfaces lisses, telles que les bétons, ciments, pierres (non poreuses) et les anciennes peintures recouvertes d’un fond. Son application est plus délicate sur les crépis épais, le produit pouvant laisser des traces laiteuses en se logeant dans les alvéoles.
Si effacer un tag sur une surface non protégée est affaire de spécialiste, la pose d’un vernis n’est pas particulièrement compliquée, à condition de suivre scrupuleusement les indications et de ne pas hésiter à demander conseil aux professionnels. Vu le faible coût de ces enduits (compter entre 40 fr. et 70 fr./10 m2, plus 82 fr./10 m2 pour le nettoyant), qui protègent aussi des salissures, c’est un bon investissement. Reste encore la solution de l’assurance (lire l’encadré) ou alors, parade ultime, planter une vigne vierge…
Philippe Chevalier
Assurance antitag
Si sa maison est située sur le terrain de jeu favori des taggeurs, il peut être intéressant de compléter l’assurance bâtiment avec une option permettant le remboursement, entre autres, des frais de nettoyage. A La Mobilière, il en coûte 40 fr. par an pour une maison valant 500 000 fr. (le double pour un million), avec une franchise de 200 fr. par sinistre. A Vaudoise-Assurances, pour la même maison, avec la même franchise, la couverture complémentaire contre le vandalisme est facturée respectivement 32 fr. et 56 fr. A Neuchâtel, Délémont, Bienne ou Genève, les municipalités ont monté de véritables brigades antitags qui s’engagent à les effacer dans les 48 heures, contre un abonnement annuel. Mais ce service est cher: 500 fr. à
Genève, 360 fr. à Delémont.