La stévia est répandue depuis longtemps en Amérique du Sud. En Europe et aux Etats-Unis, elle a dû braver les interdictions avant d’être acceptée. C’est que les enjeux commerciaux sont colossaux, sachant que le marché mondial des édulcorants est estimé à plus d’un milliard de dollars. Or, la stévia a un avantage de taille sur ses concurrents: sa provenance naturelle séduit les consommateurs lassés par les produits de synthèse.
Herbe sucrée
Au Paraguay, pays d’origine de la plante, les Indiens Guarani l’ont appelée «herbe sucrée». Un nom qui n’est pas usurpé: ses feuilles ont un pouvoir édulcorant 30 fois supérieur à celui du sucre de table. Facteur qui grimpe à 300 si l’on considère ses extraits qu’on utilise dans l’alimentation! Son goût sucré provient de glycosides contenus dans la plante, en particulier le stévioside et le rébaudioside A. Les extraits sont obtenus au terme d’un long processus qui permet d’isoler les substances sucrantes et d’éliminer les parties potentiellement toxiques de la plante. Ces molécules ont aussi l’avantage de n’apporter aucune calorie et de ne pas favoriser la carie dentaire.
Lente ascension
Les Guarani emploient la stévia depuis des siècles pour édulcorer leurs boissons amères, en particulier le maté. Mais il a fallu attendre le XXe siècle pour que les scientifiques commencent à l’étudier. Le Japon l’a adoptée dans les années 1970 et son usage s’est répandu en Asie, en Australie et en Amérique du Sud. Actuellement, sa culture est essentiellement concentrée en Asie, avec la Chine comme plus grand producteur mondial.
En Occident, la stévia peine toujours à s’imposer. Les fabricants d’édulcorants synthétiques ont probablement contribué à ralentir sa commercialisation. Son emploi a été interdit aux Etats-Unis jusqu’en 2008. En Europe, il a fallu attendre 2011 pour que cet additif alimentaire soit homologué sous le code «E960». Depuis, on le retrouve essentiellement dans des sucrettes, des sodas, des bonbons et des yaourts.
Coca-Cola l’utilise dans son Coca-Cola Life – reconnaissable à son étiquette verte – commercialisé en France depuis le début de l’année. Mais il ne s’agit en aucun cas d’un nouveau Coca Zéro: au contraire, un litre de Coca Life renferme encore l’équivalent de 16 morceaux de sucre, contre 27 pour le Coca classique.
Il faut dire que le gros défaut de la stévia réside dans son arrière-goût de réglisse. C’est pourquoi les industriels sont souvent contraints d’ajouter du sucre ou des arômes artificiels pour masquer cette saveur indésirable. C’est sans doute pour cette raison aussi que cet édulcorant ne s’impose pas plus rapidement et qu’il est toujours judicieux de lire la liste des ingrédients.
Du sucre malgré tout
Depuis 2008, l’emploi des glycosides de stéviol a été autorisé par paliers, mais ce n’est qu’en 2014 qu’ils sont librement commercialisés en Suisse. Villars a créé le premier chocolat noir, adouci à la stévia, sans sucre ajouté. Comparé à une tablette de chocolat noir classique, il n’apporte que 15% de calories en moins. Assugrin, qui commercialisait déjà l’aspartame et les cyclamates, propose la stévia en comprimés et en poudre pour adoucir boissons, pâtisseries et desserts. Ricola vend opportunément des bonbons… à la réglisse. Et, au rayon boissons, on trouve des thés froids (Lipton, Nestea, niceT), du sirop (Weight Watchers) des boissons aux fruits (Eve) ou encore du Sprite. Ce qui n’empêche pas ces boissons de contenir également l’équivalent de six à 15 morceaux de sucre par litre.
Alors, la stévia une solution miracle? Pas vraiment. Force est de constater que, depuis leur apparition sur le marché, les édulcorants n’ont pas réussi à infléchir la courbe d’obésité dans le monde. Une des hypothèses est que la prise d’édulcorants perturbe les sensations de rassasiement et incite alors à manger davantage.
Même si les extraits de stévia ont démontré leur innocuité pour la santé, il faut les consommer avec parcimonie pour ne pas entretenir notre penchant naturel pour la saveur sucrée. Il est préférable et plus efficace de se déshabituer de ce goût en diminuant sa consommation globale de produits sucrés.
Doris Favre,
diététicienne diplômée