Il y a cinq ans, Bon à Savoir publiait un test mené à travers la Suisse sur la toxicité chronique à laquelle nous sommes toutes et tous exposés. L’analyse des cheveux de 20 personnes, âgées de 2 à 77 ans, avait révélé la présence de substances nocives dans l’organisme de tous les participants, parfois en quantité inquiétante. Plus de 600 lectrices et lecteurs avaient par la suite participé à l’étude, confirmant l’ampleur de cette contamination.
Dans ces colonnes, je m’étais retrouvé à énumérer les molécules chimiques présentes dans les cheveux de mes propres enfants: 28 pour l’un, 8 pour l’autre. Un cocktail de polluants composé entre autres d’atrazine, de dioxacarb, d’octhilinone ou encore de DNOC, un insecticide et herbicide interdit dans notre pays depuis plus de vingt ans à l’époque.
Pesticides, plastifiants, conservateurs, ces produits retrouvés dans la structure des cheveux indiquaient une toxicité chronique, c’est-à-dire une exposition répétée aux substances découvertes par le laboratoire.
En 2023, notre magazine a organisé une autre analyse, de grande ampleur: 1500 lectrices et lecteurs de tout le pays ont fourni des échantillons d’eau provenant de leur robinet. L’objectif de ce test à large échelle: évaluer l’ampleur de la présence des substances per- et polyfluoroalkylées, appelées PFAS. Résultat: un échantillon sur deux était contaminé par ces produits chimiques, considérés pour plusieurs comme cancérogènes.
En Suisse, les valeurs maximales admises pour les PFAS restent nettement plus élevées que dans l’Union européenne ou qu’aux Etats-Unis. Au vu de la contamination de nos nappes phréatiques, la révision en cours de ces valeurs pour l’eau potable risque bien de classer comme impropre à la consommation l’eau de nombreux foyers du pays dès 2026.
Dans ce numéro, nous avons poursuivi nos investigations avec nos collègues du magazine Saldo, en mesurant la présence de ces PFAS dans le sang de 35 personnes, une nouvelle fois dans toutes les régions de Suisse (lire en page 14). Tous les participants, de l’enfant de 7 ans à la retraitée de 89 ans, sont contaminés. Et à nouveau, je me retrouve à énumérer des produits nocifs retrouvés, cette fois, dans mon propre sang: deux fois la dose supposée limite pour l’acide perfluorohexane sulfonique (PFHxS), trois fois pour l’acide perfluorooctane sulfonique (PFOS), des quantités non négligeables d’acide perfluorononanoïque, d’acide perfluorooctanoïque (PFOA) et quelques autres encore.
La Suisse a «strictement réglementé» l’utilisation des PFOA en 2021, celle des PFOS en 2011, et interdit celle des PFHxS en 2022. Ces polluants dits éternels se baladent sans surprise toujours dans la nature comme dans nos veines.
On est en droit de se demander combien de temps encore nos autorités préféreront mettre la tête dans le sable pollué, plutôt que de prendre les décisions qui s’imposent. Sans craindre la puissance de lobbies pour qui la santé de la population n’est pas la préoccupation première.
Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef