Le plastique, c’est fantastique? Pas pour Dominique de Buman. En 2008, le conseiller national (PDC/FR) avait déposé une motion pour «interdire l’utilisation dans le commerce des sacs en plastique non réutilisables et non recyclés». Après avoir vu sa proposition classée parce que prescrite, le politicien fribourgeois a remis l’ouvrage sur le métier en 2010. Et là, surprise, les Chambres ont adopté le texte à la fin de 2012, contre l’avis du Conseil fédéral.
La mise en œuvre de l’interdiction a été confiée à l’Office fédéral de l’environnement (OFEV). Or, l’OFEV vient de nous avouer que «les discussions au sein du groupe de travail vont plutôt dans le sens d’une fixation d’un objectif de réduction pour les sacs en plastique jetables». L’OFEV s’empresse de préciser qu’il ne s’agit que d’une option parmi d’autres et que rien n’a encore été arrêté.
Clients à la caisse
En clair, il s’agirait de demander aux branches concernées de mettre en place des mesures volontaires. «Un des instruments les plus efficaces pour diminuer le nombre de sacs serait que les clients les paient, avec des exceptions, par exemple, pour les fruits et les légumes vendus en vrac», précise l’OFEV. C’est donc le porte-monnaie des consommateurs qui pourrait en faire les frais. Un revirement pour le moins étonnant, sachant que le Parlement s’était pourtant prononcé pour l’abolition de ces sachets.
Selon certaines sources, un problème juridique en serait la cause: une interdiction poserait des problèmes sur le plan constitutionnel, car elle porterait exagérément atteinte à la liberté de commerce. L’OFEV se refuse à confirmer cette information. Quoi qu’il en soit, l’évolution du dossier ne peut que plaire au Conseil fédéral et au lobby des grands distributeurs, farouchement opposés à cette interdiction.
Le principe du paiement par le consommateur correspond d’ailleurs à la position défendue, en novembre dernier, par la Communauté d’intérêt du commerce de détail suisse (CI CDS), qui regroupe Coop, Migros, Manor, Valora et Denner. Actuellement, elle dit adhérer au principe de réduction par le biais, notamment, de la promotion des sacs à usages multiples. Et Dominique de Buman dans tout ça? Impliqué dans les discussions, le Fribourgeois ne souhaite pas se positionner trop catégoriquement pour l’instant. A ses yeux, une réduction resterait une démarche positive pour l’environnement, à condition que les distributeurs jouent vraiment le jeu.
Guerre des chiffres
Au-delà de l’aspect strictement juridique, le dossier demeure complexe. Les avis sont opposés sur l’amplitude du problème en Suisse. Dominique de Buman rappelle que «les deux grands distributeurs consomment, à eux seuls, plus de 240 millions de sacs en plastique gratuits à la caisse».
Le Conseil fédéral rétorque que les quelque 3000 tonnes de sachets utilisés chaque année ne correspondent qu’à 0,5 % de la consommation annuelle de matières plastiques en Suisse. Il estime aussi que les bénéfices écologiques d’une interdiction seraient incertains et que l’écobilan d’autres sacs, comme ceux en papier, est pire.
En fait, une étude du Laboratoire fédéral d’essai des matériaux et de recherche (EMPA) apporte des réponses nuancées. Sur un seul usage, les sacs en plastique recyclé possèdent le meilleur écobilan. Toutefois, les conclusions montrent aussi, par exemple, qu’en utilisant un cabas en papier deux fois, son bilan écologique est plus favorable que celui de son cousin en plastique employé une seule fois puis jeté. Il en est de même avec les versions biodégradables et en coton, à condition de s’en servir respectivement à trois et à vingt reprises.
Ainsi, plus que la composition, c’est le nombre de réutilisations qui importe. D’où un conseil fort simple: servez-vous-en autant que possible avant de vous en débarrasser!
Sébastien Sautebin
En détail
Proposent-ils des sacs en plastique à usage unique?
Les grands distributeurs ont opté pour des stratégies différentes en matière de sacs aux caisses. Les deux hard discounters n’en proposent pas de gratuits à usage unique. A la place, Aldi vend des modèles en papier, en plastique, compostable et en matériel recyclé à 50 %. Chez Lidl, on peut acheter des versions en papier FSC ou en plastique recyclé.
De son côté, Coop propose des sacs en plastique gratuits. Il estime que «les versions en plastique biodégradable ne sont pas une option à cause de leur bilan écologique». Denner propose aussi des modèles conventionnels, gratuits, en polyéthylène, tout comme Manor. Chez Migros, des petits sacs à usage unique sont offerts, sauf à Genève. Et, dans le canton de Vaud, le géant orange les a remplacés par des versions biodégradables vendues 5 ct. A noter qu’il est possible d’acheter différents modèles à usages multiples dans toutes ces enseignes.