«Pendant une semaine après le début du confinement, au printemps dernier, les téléphones n’ont pas sonné du tout», se souvient Myriame Zufferey, directrice de Solidarités femmes Bienne. La prise de conscience est instantanée: la crise sanitaire et, particulièrement, le fait que les gens travaillent à la maison rendent l’accès à l’aide encore plus difficile pour les victimes de violences domestiques, qui passent donc encore plus de temps avec leur partenaire violent. Et, pour les enfants, la fermeture des écoles est grave, car ils n’ont plus de référents externes.
Pour l’heure, il est encore difficile de dire si le confinement a engendré une augmentation des maltraitances. Le Centre de conseil et la maison d’accueil de Solidarités femmes Bienne n’a pas constaté de hausse significative des demandes en 2020. La Task Force violence domestique, mise en place en mars dernier par la Confédération et les cantons, constate seulement, depuis peu, une hausse des demandes auprès des maisons d’accueil dans tout le pays.
Mais, pour Myriame Zufferey, membre du comité de l’Organisation faîtière des maisons d’accueil de Suisse DAO, la réalité du terrain ne permet aucun doute: il est encore plus difficile de quitter une situation de violence domestique avec la crise et les nombreuses incertitudes qui en découlent. Il est d’autant plus important que les personnes connaissent leurs droits et les options qui se présentent à elles.
La dépendance financière au conjoint violent est une des difficultés à surmonter, exacerbée par la pandémie. En effet, les victimes craignent encore davantage de ne pas trouver un emploi et de tomber dans la précarité.
Ce qu’il faut savoir: la Loi fédérale sur l’aide aux victimes (LAVI) prévoit de l’aide à plusieurs niveaux. Les prestations d’aide immédiate (aide d’urgence) octroyées par les Centres LAVI sont gratuites et comprennent selon les besoins: les consultations, l’hébergement sécurisé, un soutien tant psychologique, médical, juridique que social (art. 14 LAVI). La durée des prestations et leurs applications varient selon les cantons. Les victimes sans revenu peuvent ensuite recevoir du soutien de l’aide sociale. L’aide à plus long terme octroyée par des tiers (par exemple, un avocat) est prise en charge en fonction des ressources financières des victimes.
Il peut arriver que les victimes craignent de chercher de l’aide, de peur de se voir forcer la main.
Ce qu’il faut savoir: c’est, en tout temps, la victime qui décide des démarches qu’elle veut entreprendre. Elle peut aussi prendre contact avec les Centres LAVI anonymement. Les intervenants sont là pour la conseiller et l’accompagner. Si, après un séjour dans une maison d’accueil, une victime décide de retourner vivre avec son conjoint, elle est libre de le faire. Les conseillers sont tenus à la stricte obligation de garder le secret (art.11. LAVI). Le secret peut toutefois être levé dans le cas où des enfants seraient en danger.
Certaines victimes de violences craignent que, si elles quittent le domicile conjugal avec leurs enfants, cela puisse leur être reproché par la suite, par exemple lors d’une procédure de divorce.
Ce qu’il faut savoir: le Code civil prévoit qu’un époux puisse quitter le domicile s’il se sent menacé. Les parents ont en outre le devoir de protéger leurs enfants. Le départ du domicile conjugal, sans l’accord du conjoint, ne peut donc pas leur être reproché.
Un autre facteur d’incertitude peut-être encore intensifié par la crise: la peur de perdre son permis de séjour si on se sépare de son conjoint.
Ce qu’il faut savoir: le risque existe si le permis a été établi dans le cadre d’un regroupement familial. Mais les exceptions sont nombreuses et dépendent du canton, de la durée du séjour en Suisse, de l’âge et du permis des enfants, ou, – encore –, du degré d’intégration et de l’indépendance financière. Les consultations juridiques en lien avec les permis de séjour ne sont pas prises en charge dans tous les cantons. En revanche, les Centres d’aide aux victimes peuvent aiguiller ces personnes vers des juristes spécialisés.
La pandémie complique la tâche des Centres d’aide aux victimes, les personnes qui souffrent de maltraitances pourraient craindre de ne pas pouvoir recevoir l’aide recherchée.
Ce qu’il faut savoir: jusqu’à présent, les structures d’accueil ont toujours trouvé une solution pour chaque demande d’hébergement d’urgence. Si une maison d’accueil affiche complet, les victimes peuvent, par exemple, être placées dans d’autres cantons. Myriame Zufferey souligne que certaines personnes préfèrent même une distance plus grande, qui leur donne un plus grand sentiment de sécurité, pour autant que leur situation professionnelle et la scolarisation de leurs enfants le permettent.
Le fait d’avoir été testé positif au coronavirus ou de devoir rester en quarantaine ne doit pas être un frein.
Ce qu’il faut savoir: même une personne testée positive au coronavirus ou placée en quarantaine peut demander de l’aide. Les maisons d’accueil ont fait d’importantes démarches d’organisation afin de créer des places pour ces personnes. Certaines ont désigné un secteur pour accueillir les malades, d’autres, comme à Bienne, ont des collaborations avec des structures externes.
Quitter son logement n’est pas une fatalité pour une victime qui veut sortir d’une situation de violences domestiques. Le Code civil suisse prévoit plusieurs mesures de protection.
Ce qu’il faut savoir: la victime qui vit sous le même toit que son agresseur peut s’adresser à la police pour demander son expulsion pour une durée déterminée. Cette durée est définie au niveau cantonal. Par exemple, pour Vaud, c’est au maximum 14 jours ou 30 jours à Genève.
En cas de séparation d’un couple marié, le conjoint peut demander au juge, par le biais des mesures protectrices de l’union conjugale, de se voir attribuer rapidement le logement de famille.
Sandra Porchet
Où demander de l’aide?
Pour les victimes:
Le site internet aide-aux-victimes.ch répertorie tous les bureaux de consultation LAVI en Suisse.
Le site frauenhaus-schweiz.ch liste les contacts des associations gérant les maisons d’accueil de Suisse.
Les deux sites donnent de nombreuses informations sur les droits des victimes.
Pour les auteurs de violences qui veulent s’en sortir:
L’Association professionnelle suisse de consultations contre la violence (APSCV) répertorie les organisations cantonales qui proposent de l’aide: apscv.ch/services.html
Pour les voisins:
Les voisins ont également un rôle à jouer, souligne Myriame Zufferey. Si vous entendez des appels à l’aide, appelez la police. Si vous soupçonnez des maltraitances, mais n’êtes pas sûrs de la meilleure façon d’aider, les Centres d’aide aux victimes peuvent aussi vous conseiller.
Plateforme générale:
Que vous soyez victime, auteur ou témoin: la plateforme violencequefaire.ch peut vous aider. Elle liste les points de contact en Suisse romande. On peut aussi y poser des questions en créant un compte anonyme sur le site. Les questions sont transmises aux professionnels adéquats qui répondent dans les trois jours.