Quel est le rapport entre le soutien éducatif à des jeunes défavorisés au Vietnam, la prévention auprès de personnes exerçant la prostitution dans le canton de Fribourg et des institutions actives dans le domaine de la lutte contre les toxicomanies? A priori, aucun. Et, pourtant, tous les trois sont financés par de l’argent provenant des saisies du trafic de stupéfiants.
Car, contrairement à la drogue et aux armes, l’argent liquide confisqué n’est pas détruit, lui! En règle générale, la confiscation relève de la compétence des cantons, qui sont donc libres d’affecter la quote-part des sommes séquestrées qui leur revient comme bon leur semble (lire encadré).
Soutiens divers
Qu’en font-ils concrètement? Il n’est pas toujours facile de le savoir: seuls trois cantons ont adopté des dispositions particulières concernant le recyclage des «narcodollars».
Genève a fait œuvre de pionnier en créant, en 1995, un fonds spécial destiné à la lutte contre la drogue et la toxicomanie. Il est alimenté par les sommes provenant de biens confisqués en lien avec le trafic de drogues et de celles encaissées après exécution d’accord de partage conclu avec des Etats étrangers. Il se montait à 830 911 fr. à la fin de 2012. Le fonds est dévolu pour moitié aux organismes locaux publics et privés travaillant à la prévention de la toxicomanie. «L’autre moitié est attribuée à des projets développés dans des pays producteurs de drogue, dans le cadre de programmes de coopération au développement», explique Laurent Forestier, secrétaire général adjoint au Département de la sécurité.
Fribourg lui a emboîté le pas, en 1996, en allant plus loin encore. Le fonds doté de 1 383 844 fr. est en priorité destiné à la prévention de la toxicomanie. Mais il ambitionne également d’améliorer la prise en charge des toxicomanes, de renforcer le financement des moyens policiers et judiciaires affectés à la lutte contre la drogue ou encore de développer des programmes de reconversion dans les pays producteurs de drogues.
Vaud a fait de même en 1997. L’argent permet, notamment, de financer des actions d’information et de prévention contre toutes les formes d’addictions, y compris celles liées à l’alcool, à internet et au jeu. Le montant annuel alloué au fonds ne peut dépasser 3 millions.
Au-delà, les sommes saisies seront versées dans les comptes généraux de l’Etat. Il en va de même à Genève, d'ailleurs.
Dans les autres cantons romands, l’argent séquestré finit dans les caisses de l’Etat comme une vulgaire amende! Impossible, dès lors, de savoir à quoi il est réellement affecté.
Chantal Guyon
Vous avez dit «sharing»?
Dans les années nonante, la lutte contre le crime organisé et le blanchiment d’argent s’est intensifiée et le volume des montants confisqués a augmenté. La question du partage des sommes entre les collectivités (Confédération, cantons, Etats étrangers) ayant participé à la procédure s’est alors posée.
En 2004, une loi sur le «sharing» est finalement entrée en vigueur, fixant une clé de répartition pour les valeurs confisquées:
- 50% des montants nets saisis reviennent à la collectivité (canton ou Confédération) qui a dirigé la procédure pénale;
- 30% partent directement dans les caisses de la Confédération pour le soutien qu’elle apporte aux cantons dans la lutte contre la criminalité;
- 20% vont au canton, où se trouvent les valeurs confisquées, pour sa collaboration à la procédure pénale.