La plupart des opticiens proposent une gamme de verres optiques pour bloquer la lumière bleue nocive. Principal argument de vente: la protection contre les écrans. Ce filtre supplémentaire peut coûter jusqu’à 90 fr. par verre. L’achat en vaut-il le coup? «Non, cela n’a aucune utilité face à un écran LED», affirme Francine Behar-Cohen, directrice médicale à l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne.
Ce n’est pas tant leur efficacité, mais bien leur pertinence que la spécialiste met en cause. Car la tendance à accuser les LED de tous les maux tient de la confusion. En effet, elles peuvent affecter la santé lorsqu’elles servent de lampes, car certaines diodes émettent une lumière blanche et directe à éviter (lire encadré). Elles provoquent alors un éblouissement et diffusent une trop grande quantité de lumière bleue. Plus courtes et plus intenses, les ondes de cette couleur accélèrent le vieillissement de l’œil favorisant ainsi l’apparition – ou l’aggravant – de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA – lire «Vivre mieux avec une basse vision», BàS 7-8/2015).
En revanche, les diodes qui servent au rétroéclairage des écrans n’ont pas les mêmes effets. «Rien n’indique qu’elles représentent un danger pour l’œil. Comme elles sont dissimulées à l’intérieur des appareils, leur rayonnement est indirect et les ondes bleues sont filtrées. D’ailleurs, beaucoup de personnes restent des heures derrière leur écran sans être éblouies», explique Francine Behar-Cohen. Leur luminance est d’ailleurs beaucoup plus faible qu’une ampoule LED: 200-500 cd/m2 contre 1 000 000 cd/m2 pour certains éclairages. En 2010, l’Agence française de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) arrivait aux mêmes conclusions dans une étude pilotée par Francine Behar-Cohen.
Aucun risque?
Non, ce n’est pas pour autant que tout est rose. On sait, par exemple, que les écrans peuvent dérégler l’horloge biologique lorsqu’ils sont trop regardés, le soir. Leur utilisation nocturne provoque une diminution de la sécrétion de mélatonine – l’hormone du sommeil – pour permettre à l’organisme de rester en éveil. Il faut alors plus de temps pour s’endormir et le réveil devient plus difficile encore. Idéalement, il faudrait donc éviter les écrans, quelques heures avant le coucher, ou choisir une liseuse sans rétroéclairage. Pour les accros des ordinateurs et autres écrans, il existe des applications qui adaptent la luminosité et le spectre bleu au fil de la journée comme Twilight (Android) et F.lux (iOS et PC).
Lorsqu’on travaille derrière un ordinateur, la fatigue oculaire peut se faire ressentir. Dans ce cas, il est conseillé d’appliquer la règle des 20-20-20: toutes les 20 minutes, regarder au loin (à 20 pieds, soit 6 mètres au moins) durant 20 secondes. On peut aussi opter pour des moniteurs antiscintillement (flicker free).
Christelle Maillard
La jungle des ampoules LED
A partir de 2016, les consommateurs n’auront plus que trois options pour leurs éclairages domestiques: les LED, les ampoules fluocompactes ou les halogènes de classe A, B ou C. «Le consommateur subit les choix politiques. On supprime une sorte de lampes pour en privilégier une autre sans connaître les conséquences pour l’œil humain!» dénonce Francine Behar-Cohen. Qui déplore également le manque de clarté des étiquettes: «Les fabricants de diodes nous vendent ce qu’ils veulent!»
Par principe de précaution, voici quelques recommandations qui permettent de limiter les risques avec les LED.
➛ Opter pour des ampoules distillant une lumière chaude – entre 2700 K et 3300 K – en se référant aux données affichées sur l’emballage. Celle-ci est moins problématique pour les yeux, car elle contient moins d’ondes bleues.
➛ Supprimer l’éclairage direct des diodes en utilisant un abat-jour, un verre, etc.
➛ Eviter d’installer des LED à proximité des yeux (veilleuses, lampes de chevet ou de bureau, etc.).
➛ Eloigner des LED les enfants et les personnes ayant des problèmes, car ils sont plus sensibles à la lumière bleue.
➛ Gare aux LED intégrées dans les meubles, jouets, décorations et autres objets. Car elles ne sont pas soumises aux mêmes réglementations et ne donnent souvent aucune indication.