Jürg Jost connaît bien son affaire. Expert diplômé en prévoyance professionnelle, il a été membre de la direction générale d’une grande compagnie d’assurances pendant des années, avant de créer son propre bureau de conseil à Zurich, Risiko-Rating.
Si nous en parlons, c’est parce qu’il s’est penché sur les chiffres des cinq grands assureurs vie suisses dans le domaine de la prévoyance professionnelle entre 2005 et 2011(1): Allianz Suisse, Axa, Bâloise, Helvetia et SwissLife. La source de ses calculs est tout ce qu’il y a de plus officielle, puisqu’ils se fondent sur les chiffres publiés par la Finma, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers.
Entre 2005 et 2011
L’exercice confirme ce que nous écrivions dans notre édition d’octobre 2012(2): le 2e pilier est un marché juteux pour les assureurs, qui répètent pourtant, à tout bout de champ, qu’il est urgent de diminuer les rentes.
Entre 2005 et 2011, les cinq assureurs ont réalisé un bénéfice général variant entre 4,49% et 7,66% (voir tableau de gauche). Rien que pour l’an dernier, cela représente un gain d’un demi-milliard de francs.
Dans cette même période, qui inclut pourtant deux grosses crises financières, ils ont obtenu un rendement moyen sur la gestion de fortune variant entre 2,99 et 3,9% (voir tableau du milieu).
La moyenne des frais administratifs, toujours entre 2005 et 2011, est supérieure à 10% des primes encaissées pour trois assureurs et toujours de 7,72% dans le moins meilleur cas (voir tableau de droite).
En fait, si on additionne tout ce que les assureurs prélèvent sur la prime (les frais administratifs, ceux pour la gestion de fortune et leurs gains), on arrive à un total de 19,5%. C’est certes un peu moins qu’en 2010 (19,8%), mais on ne plaindra personne. Jürg Jost a comparé la moyenne de la totalité des frais de ces cinq assureurs (20,6% entre 2007 et 2011) à ceux retenus dans la même période par six caisses de pension autonomes (7,6%): il n’y a pas photo!
Donc, tandis que les assureurs continuent à faire de bonnes affaires, l’assuré ne cesse de voir ses prestations diminuer. Le Conseil fédéral a d'ailleurs maintenu, pour 2013, le taux de rendement minimal des avoirs de vieillesse à 1,5%. Un plancher historique, mais une aubaine pour les assureurs, qui souhaiteraient même encore abaisser, voire supprimer, cette exigence minimale.
Comparaison contestée
Des assureurs qui ne goûtent guère l’analyse de Jürg Jost. Allianz estime que les conditions de régulation (telles les exigences de transparence) ne cessent d’augmenter et qu’il faut bien inclure leur coût. SwissLife confirme les chiffres, mais, tout comme Axa et Helvetia, s’interroge sur la comparaison des frais avec ceux des caisses autonomes, qui ne serait pas probante. Axa dit ne pas comprendre le raisonnement de Jürg Jost. Helvetia parle d’«erreurs fondamentales» et renonce à tout commentaire. Bâloise, enfin, ne nie pas les chiffres, mais estime également que la comparaison n’est pas appropriée.
(1) L’étude (en allemand) peut être téléchargée sur www.risiko-rating.ch
(2) «Quand les réserves cachent les bénéfices du 2e pilier». Tous nos articles peuvent être lus dans nos archives électroniques, libres d'accès pour nos abonnés.
Christian Chevrolet
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.