«Souffler n’est pas jouer». Cette formule chère aux joueurs de dames devrait davantage inspirer les fabricants d’éthylomètres en tout genre. Car, comme le révèle notre enquête menée en collaboration avec l’émission On en parle (RTS La Première), la fiabilité des appareils est aussi farfelue qu’une discussion de bar. Parmi les onze dispositifs testés, un seul s’est révélé efficace. Et pas n’importe lequel, puisqu’il s’agit du moins cher du lot, Le Ballon du fabricant Contralco.
Trois genres d’éthylotests
Pour évaluer les éthylomètres, trois testeurs ont accompagné leur repas de midi de plusieurs verres de vin. Et l’un a agrémenté son café d’un petit digestif. Ils ont ensuite éprouvé chaque dispositif à deux reprises, une heure après avoir consommé leur dernier verre. C’est en effet à ce moment-là que le taux d’alcoolémie atteint théoriquement son pic. Et, pour obtenir des valeurs de référence, les trois cobayes se sont soumis à une prise de sang.
Dans notre test (voir tableau), nous avons distingué trois genres d’éthylotests: chimique, électronique et par analyse salivaire. La première catégorie regroupe les ballons qu’on remplit en soufflant. A usage unique, ils sont composés d’un tube rempli de cristaux jaunes qui virent au vert en présence d’alcool. Lorsque la coloration atteint ou dépasse le repère central, c’est que le taux d’alcoolémie est supérieur à 0,5‰.
Bilan peu reluisant
La deuxième famille regroupe les appareils électroniques (jusqu’à 120 fr.) dans lesquels il s’agit, là aussi, de souffler. Hormis le Pearl et le HQ AT20, qui se contentent d’une indication à trois niveaux (moins de 0,2‰, entre 0,2‰ et 0,5‰ ou plus de 0,5‰), tous les appareils disposent d’un affichage digital avec une précision à 0,1‰, voire à 0,01‰ pour certains. Le dernier type d’alcootest, par analyse salivaire, est composé d’une bandelette qui se colore en fonction de l’alcoolémie après contact avec la salive.
Au final, le bilan est peu reluisant. L’un des deux procédés par analyse salivaire n’a pas du tout réagi, alors que son concurrent ne s’est guère montré plus concluant. La firme Intex Pharmazeutica se dit étonnée par nos résultats et nous a réclamé le numéro du lot pour détecter un éventuel problème. Malgré leur présentation high-tech, les versions électroniques n’ont pas brillé non plus. En réaction, les fabricants nous servent tous le même refrain. A savoir que leurs produits ne sont destinés qu’à donner une indication approximative et qu’ils ne doivent pas être utilisés pour évaluer l’aptitude à conduire. En clair, il s’agit de gadgets et rien d’autre. Pearl a néanmoins annoncé qu’il allait retirer son modèle du commerce à la suite de notre enquête.
Dans notre tableau, les taux particulièrement surévalués (+ 0,2‰ pour les électroniques) ont été signalés en bleu. A contrario, les résultats sous-évalués de plus de 0,1‰ ont été marqués en rouge, sachant qu’ils pourraient inciter à tort de prendre le volant.
«Le Ballon» au top
Et l’éthylomètre de la maréchaussée dans tout cela? Très fiable si l’on se réfère à celui que la Police vaudoise nous a prêté: en moyenne, sa marge d’erreur avoisinait le 0,02‰. Mais son prix (env. 1800 fr.) n’est pas le même...
Au final, Le Ballon, de Contralco, reste le meilleur choix prix/fiabilité, notamment pour celles et ceux qui se rendent en France dès le 1er juillet (lire encadré). Avis corroboré par la Police vaudoise: «Au lieu d’avoir un résultat chiffré, il donne une appréciation qui invite à ne pas prendre de risque en cas de doute. Et son usage unique ne le transforme pas en appareil de concours…» glisse son porte-parole, Jean-Christophe Sauterel. Qui ne manque toutefois pas de rappeler que l’éthylomètre ne doit pas occulter le fameux leitmotiv: «Boire ou conduire, il faut choisir».
Yves-Noël Grin
EN DÉTAIL
La France impose l’éthylotest
Après le gilet fluorescent, bienvenue à l’éthylotest. Dès le 1er juillet, les autorités françaises obligeront tous les usagers de la route – cyclomoteurs jusqu’à 45 km/h exceptés – à avoir un éthylotest avec eux. Et les touristes suisses n’échapperont pas à la règle, même si l’amende de 11 euros ne sanctionnera les contrevenants qu’à compter du 1er novembre.
Qu’il soit chimique ou électronique, le dispositif devra néanmoins être certifié par les normes françaises et, par conséquent, comporter le sigle «NF». A l’exception d’un seul – Le Ballon, de Contralco –, les éthylotests vendus en Suisse et que nous avons testés ne sont pas affublés de la certification exigée. Une raison supplémentaire de conseiller ce modèle fabriqué en France qui, en plus de son efficacité et de son prix, a l’avantage de se glisser facilement dans la boîte à gants.