Le succès du bio ne se dément pas. Sa part de marché en Suisse frôle les 10% pour un chiffre d’affaires de plus de 3 milliards de francs. Cet engouement profite avant tout aux grands distributeurs Coop et Migros. Alors qu’il était déjà marqué, le surcoût du bio par rapport aux produits d’entrée de gamme est plus important que par le passé.
Assortiment réduit chez les discounters
Nous avons comparé les prix de 40 aliments issus de l’agriculture biologique avec les produits classiques les moins chers (lire «Les coulisses de notre comparatif») Les achats ont été réalisés chez Coop et Migros ainsi que chez Aldi, Denner et Lidl. Seuls les articles des deux géants orange ont été retenus dans notre tableau, en raison de l’assortiment bio très réduit des deux hard discounters allemands et de Denner.
Chez Lidl et Aldi, environ la moitié de notre panier d’achat était disponible en bio, chez Denner seulement un quart. «Nous savons par expérience que de nombreux produits biologiques sont vendus à un prix supérieur au seuil de tolérance de nos clients», explique Denner. Reste que les produits bio sont presque sans exception moins chers chez les discounters que chez Coop et Migros.
Ecart abyssal
Résultat des courses: en comparant les articles bio et non bio les moins chers, le fossé est impressionnant. En moyenne, ils coûtent deux fois et demi plus chez Coop et légèrement moins chez Migros. Autre constat, les différences de prix restent les plus sensibles pour les fruits et les légumes. A l’inverse, elles sont plus faibles pour les produits laitiers et la viande.
Le cas le plus extrême est celui de l’ail: l’ail bio, chez Coop, revient à 12.67 fr. les 500 g contre 1.75 fr. pour de l’ail classique. Le consommateur qui tient absolument à s’offrir de l’ail bio devra donc débourser huit fois plus! Il en va de même pour le thé noir de Migros: le paquet de 100 sachets de qualité biologique est vendu 14.50 fr., tandis que le M-Budget revient à 1.75 fr. On constate également un écart de prix abyssal pour les pommes, les carottes ou la confiture. Par exemple, la confiture de fraises bio coûte 6.80 fr. les 500 g chez Coop contre 1.33 fr. les 500 g pour l’entrée de gamme Prix Garantie.
Luxe inabordable
Au total, le caddie bio de Coop revient à presque 229 fr. et celui de Migros à 219 fr. En optant pour les articles classiques les moins chers, l’addition n’atteint pas même 92 fr. chez les deux enseignes. Corollaire: entre les produits les plus avantageux et le bio, le surcoût est de 138,5% chez Migros et même de 149,7% chez Coop.
D’aucuns argueront que l’écart est fatal lorsqu’on confronte des articles «premier prix» avec du bio. Pourtant, nos comparatifs précédents n’avaient pas montré de telles différences: 75% en 2008, 66% en 2010 et 88% en 2014.
En excluant les produits d’entrée de gamme, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) estime à un peu moins de 50% le supplément du bio en se basant sur un panier-type. Pour une famille au budget serré, manger sain exige donc un effort financier qui reste important.
Différences dissimulées
Interpellée sur ces différences, Coop estime que les paniers d’achat ne sont pas directement comparables. Les prix des fruits et des légumes en particulier fluctuent considérablement en fonction de la provenance, de la région, des conditions de récolte et de la saison, souligne l’enseigne. De son côté, Migros affirme que les différences entre bio et non-bio sont restées stables, ces dernières années, et que comparer les prix sans tenir compte de la qualité ou du type de produits ne fait pas sens.
Tous les grands distributeurs tentent par ailleurs de dissimuler le surcoût du bio en proposant des emballages de taille différente. Aldi, par exemple, vend les deux variétés de tomates au même prix. Mais l’emballage bio a un poids d’un demi-kilo, contre un kilo entier dans l’autre. Chez Denner, l’emballage de flocons d’avoine est moins cher que le conventionnel, mais il n’en contient que la moitié. Migros vend le vinaigre de fruits bio en bouteille de 5,7 dl. Ces stratagèmes compliquent considérablement les comparaisons au moment de faire ses achats.
Marco Diener / ab
De bonnes affaires pour Migros et Coop
Le bio coûte plus cher que l’agriculture conventionnelle. Les rendements sont plus faibles, la main-d’œuvre plus nombreuse, auxquels s’ajoutent les coûts des contrôles et de la certification. Les agriculteurs bio devraient logiquement toucher plus que les paysans traditionnels, mais ce sont les détaillants qui semblent tirer le plus grand profit de ces articles. Il y a plus de dix ans, le magazine alémanique K-Tipp soutenait que les marges fixées pour des carottes normales étaient de 25%-30%, mais passaient à 50%-70% lorsqu’elles étaient issues de la culture biologique. Ces chiffres avaient été contestés par Coop et Migros. Les marges que les grands distributeurs s’octroient demeurent toutefois des secrets d’entreprises. La Suisse n’est pas un cas isolé. En France, UFC-Que Choisir, dénonce, dans une étude sortie fin août, le niveau exorbitant des marges brutes sur le bio 75% plus élevées que sur les produits conventionnels. Les différences de prix ne s’expliquent pas forcément par le moindre rendement de l’agriculture biologique, souligne l’association. Pas moins de 41% de l’écart tarifaire est dû à la différence dans les marges appliquées par la grande distribution.
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Les coulisses de notre comparatif
Nous avons comparé les prix des produits biologiques et conventionnels chez Aldi, Coop, Denner, Lidl et Migros. L’article le moins cher a été pris en compte, indépendamment de la marque, de l’origine ou de la qualité. Les prix des paquets de différentes tailles ont été pondérés en fonction du poids. Les gros emballages ne sont pris en compte que s’ils ne contiennent pas plus du double de la quantité requise.