Les effets du bisphénol A sur la santé ne font plus de doute: telles sont les conclusions de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), qui vient de recommander de diviser par 10 sa dose journalière tolérable. Cette dose représente la quantité d’une substance chimique qui peut être ingérée quotidiennement pendant toute une vie sans risque pour la santé. Actuellement fixée à 50 microgrammes par kilo de poids corporel et par jour (50µg/kg/jour), elle devrait être abaissée à 5µg/kg/jour afin de garantir que la substance ne soit pas nocive, préconisent les experts de l’EFSA. Et encore, cette limite devrait être établie sur une base provisoire, en raison d’incertitudes subsistant quant à d’éventuels autres effets dont la dangerosité n’est pas encore évaluée avec précision.
Foie, reins et glandes mammaires touchés
Pour arriver à cette conclusion, l’EFSA se base sur les résultats de plus de 450 études évaluant les dangers potentiels du bisphénol A sur différents systèmes et organes du corps humain. Il en ressort que l’absorption de ce composé provoque des effets indésirables sur le fonctionnement du foie et des reins, ainsi que des modifications sur les glandes mammaires. La nouvelle dose journalière recommandée représente le seuil à partir duquel ces effets ne sont plus mesurables.
L’EFSA rassure toutefois: «Le risque sanitaire pour tous les groupes de population est faible, car les estimations les plus élevées d’exposition au Bisphénol A par voie orale et non-orale sont de trois à cinq fois plus faibles que la dose maximale proposée».
Bientôt banni des rayons?
Le bisphénol A est une substance utilisée dans la fabrication de différents matériaux plastiques, notamment les plastiques rigides transparents. On le retrouve dans une longue liste de produits: gourdes et biberons, revêtement intérieur des canettes en alu, pellicule de protection des capsules et couvercles des récipients en verre, bonbonnes des fontaines à eau, tickets de caisse ou encore reçus bancaires. Pour s’en protéger, il faut privilégier les conditionnements qui n’en contiennent pas, surtout lorsqu’ils sont en contact avec des aliments. L’alimentation contribue en effet à plus de 80% de l’exposition au bisphénol A, car il migre en partie de l’emballage vers la nourriture. Les emballages portant le code de recyclage 03 (PVC) et 07 (PC) sont les plus susceptibles d’en contenir.
Depuis la fin des années 90, le bisphénol A est soupçonné d’être un perturbateur endocrinien. Banni des biberons par le Canada (2008) puis l’Union Européenne (2011), il est même interdit en France depuis 2013 dans les produits destinés aux bébés, interdiction qui se généralisera à tous les contenants alimentaires en 2015. En Suisse, où en est-on? «Nous sommes en train de rédiger un rapport à l’attention du Conseil Fédéral, qui prendra en considération les conclusions de l’EFSA», indique Sabina Helfer, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire.
Rappelons que la Suisse est restée jusqu’ici très permissive à l’égard du bisphénol. Elle n’a pas suivi les interdictions prononcées en Europe, car selon un document de l’Office fédéral de la santé publique datant de 2011 et qui fait toujours référence, «la décision de l'UE d'interdire le bisphénol A ne repose pas sur de nouvelles évaluations scientifiques, mais sur le principe de précaution». La prise de position de l’EFSA fera-t-elle changer la donne?
Vincent Cherpillod