Après une longue polémique autour du bisphénol, un composé stabilisant présent dans de nombreux objets en plastique, l’Union européenne, contrairement aux autorités suisses (lire encadré), a tranché: dès le mois prochain, il sera interdit de fabriquer et de commercialiser des biberons qui en contiennent (lire page 47). Plusieurs études indiquent, en effet, que ce perturbateur endocrinien diminue, à haute dose, la quantité de spermatozoïdes, modifie l’équilibre hormonal et augmente le risque de maladies cardiovasculaires. Et, surtout, que ses effets sont amplifiés sur les organes en développement, son taux passant de 1 mg à 4 mg par litre d’urine chez l’enfant exposé, contre 2 mg chez l’adulte.
Dès lors, s’il semble logique d’adopter le principe de précaution pour les bébés, la question reste ouverte pour tous les enfants. Car les biberons ne sont pas les seuls récipients contenant du bisphénol: la plupart des objets en polycarbonate en renferment également, dont, par exemple, le revêtement intérieur des canettes de boissons et des boîtes de conserve, ainsi que les couvercles des pots de confiture (dans la fine pellicule plastifiée blanche). Mais aussi les fontaines à eau, présentes dans de nombreux commerces, dans lesquelles il s’accumule au fil du temps en quantité bien plus élevée que celle qu’on trouve aussi dans une gourde multiusage (souvent destinée aux sportifs), remplie et vidée le jour même.
Sans parler du problème supplémentaire des phtalates, un groupe de produits chimiques qui perturbent, eux aussi, l’équilibre hormonal. Or, les aliments contenus dans des récipients en PVC peuvent, en plus du bisphénol, en contenir au-delà des normes autorisées.
Le danger du cumul
Les deux substances passent dans les aliments et les boissons à un rythme variable. Elles se dissolvent, notamment, mieux dans certains aliments, comme l’huile ou le jus d’orange. Et, en chauffant au micro-ondes des aliments contenus dans un récipient en plastique, on y fait, par exemple, passer cinq fois plus de bisphénol ou de phtalates que sur une assiette. Par ailleurs, le bisphénol peut atteindre l’organisme de diverses manières. Par la peau, par exemple, avec l’encre des caisses enregistreuses, ou par l’effet des particules libérées dans l’air et dans l’eau lors de la production ou de l’incinération du plastique.
Toutes ces petites contaminations ne sont pas dangereuses en elles-mêmes. C’est leur cumul qui inquiète certains scientifiques, lesquels ont mesuré jusqu’à 37 mg de bisphénol par litre d’urine chez des personnes particulièrement exposées, notamment des ouvriers de l’industrie plastique. Or, l’EFSA (European Food Safety Authority) a ramené, en 2007 déjà, la dose journalière acceptable à 5 mg!
Les précautions
Quelques mesures de précautions sont donc conseillées, en particulier aux enfants en bas âge et aux femmes enceintes.
- Eviter absolument le PVC pour l’emballage des aliments, reconnaissable au logo 3 (dans un triangle) . A noter que Coop et Migros appliquent des directives internes interdisant leur utilisation à cette fin.
- Choisir des récipients en verre, en métal ou en polycarbonate sans bisphénol (ceux qui en contiennent affichent obligatoirement la marque PC ou le logo 7 (dans un triangle) ).
- Ne jamais chauffer les biberons ou des récipients en plastique au micro-ondes, éviter le lave-vaisselle et utiliser un détergent doux.
- Eviter ou utiliser avec modération les fontaines à eau en polycarbonate et les boîtes de conserve dont le revêtement intérieur contient du bisphénol (reconnaissable à un fin revêtement de plastique).
- Limiter l’achat d’articles en plastique et recycler au mieux tout objet contenant du plastique, afin d’éviter la libération de bisphénol dans l’air en cas d’incinération.
Dorota Retelska
ET EN SUISSE?
Y a pas le feu au lac!
L’Office fédéral de la santé publique (OFSP) n’entend pas s’aligner sur l’Union européenne. La consommation de bisphénol ne présente, selon lui, pas de danger particulier, puisqu’elle reste inférieure aux doses journalières admises. Il considère que la décision européenne découle de l’application du principe de précaution, mesure qu’il considère injustifiée.