C’est bien connu, le public qui arpente les nombreux festivals de l'été a souvent une petite soif et une grosse faim, ou l’inverse. Une bonne affaire pour les organisateurs, qui gèrent souvent l’ensemble des bars et un business juteux aussi pour les privés qui parviennent à obtenir un emplacement afin de proposer de la nourriture. «A Paléo, un vendeur de kébabs fait un chiffre d’affaires de 100 000 fr.», confie Christophe Platel, porte-parole de la manifestation. Un montant impressionnant que réalise aussi Claude* en tenant un grand stand de nourriture exotique. Il en tire un bénéfice net de 15 000 fr. (voir tableau) pour les six jours que dure la manifestation. Cette somme rondelette, partagée avec son associé, arrondit les fins de mois de Claude, qui travaille comme indépendant dans un tout autre domaine. Le duo sert ses plats dans trois festivals par année.
Les places sont rares
De quoi titiller l’envie de se lancer dans l’aventure, si l’on goûte à ce type d’ambiance, bien sûr. Mais attention à ne pas sous-estimer le challenge! Fini le temps où l’on écoulait en toute quiétude des saucisses partiellement carbonisées, agrémentées d’une poignée de frites molles. Les organisateurs sont exigeants. Pour son édition 2012, le Montreux Jazz annonçait ainsi rechercher de «nouveaux concepts de restauration», avec des «projets novateurs, originaux ou résolument dans l’air du temps». Une volonté d’offrir au public une variété et une qualité gustative partagée par le Paléo ou encore le Festival de la Cité de Lausanne.
Les places disponibles sont aussi rares. «Nous avons 20 stands de nourriture et nous recevons des centaines de propositions chaque année», prévient David Torreblanca, du Montreux Jazz.
Claude confirme: «Le plus dur dans un festival, c’est d’y entrer... Pour cela, il faut se différencier.» Pas facile. David Torreblanca estime que les propositions sortant vraiment du lot sont très rares, mais que cela équivaut «à avoir de grandes chances» d’obtenir un emplacement à Montreux. Dans la pratique, les stands ayant donné satisfaction restent souvent prioritaires. A Paléo, le taux de reconduction est d’environ 80% et de 85% au Montreux Jazz.
Le pari de l’originalité, Antoine* l’a réussi il y a quelques années, alors qu’il était encore étudiant. En proposant un petit en-cas simple, mais original, bon et pas cher à produire, il a gagné sa place à Paléo et dégagé un chiffre d’affaires, certes relativement modeste, de 30 000 fr., mais avec un bénéfice net plus qu’honorable «de 7000 fr. à 8000 fr.».
On peut donc commencer avec peu de moyens, mais il faut une bonne idée. «Des produits de nombreux pays peuvent être adaptés», suggère Claude, persuadé que le pari est jouable.
Investissement
Côté investissement, il est généralement possible de louer une tente au festival ou d’en acheter une pour quelques milliers de francs (3500 fr. à 5500 fr.). Quant au matériel culinaire, tout dépend évidemment de ce qu’on cuisine. Claude, qui prépare tout in situ, a cependant déboursé environ 15 000 fr.
Si l’affaire marche bien, on peut alors se développer. «Il faut compter deux ou trois ans pour se faire connaître. Ensuite, les gens reviennent vers vous et on arrive à atteindre un chiffre d’affaires de 100 000 fr. dans un grand festival comme Paléo», affirme Claude. Pas question pour autant d’imaginer que l’argent tombera du ciel. Sur les six jours que dure la manifestation, Claude et ses employés recrutés pour l’occasion servent plus de 1000 assiettes par jour. «J’aime les festivals, confie ce dernier, et il y a un côté plaisir, mais, pendant le coup de feu, je ne pense qu’au boulot et je n’ai pas le temps de discuter. A un stand, il n’y a rien de pire pour les clients qu’une longue attente.»
*Prénoms d’emprunt. Nos interlocuteurs ont souhaité vouloir garder l’anonymat.
Sébastien Sautebin
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.