On l’associe à la tomate, mais il se marie tout aussi bien avec l’ananas: le basilic est sans aucun doute l’une des herbes aromatiques phares de l’été. Ces feuilles sont-elles aussi saines que brillantes et bombées? C’est ce que nous avons cherché à savoir, avec l’émission On en parle (RSR, La Première), en soumettant quatorze échantillons au laboratoire du Service de la consommation et des affaires vétérinaires de Genève. L’objectif? Déceler la présence ou non de différents pesticides (fongicide, insecticide, herbicide, etc.) dans le basilic frais coupé (en barquette, sachet ou bouquet) ainsi que des plants en terre achetés en grandes surfaces. Nous avons inclus dans cette sélection les quatre produits bio que nous avons trouvés (lire p. 5).
Provenance
Premier constat réjouissant: plus de la moitié des produits ont poussé en Suisse. Malgré la saison propice à la culture locale, nous avons toutefois trouvé un bouquet d’origine espagnole (Coop), ainsi que trois barquettes d’Israël (Denner, Manor et Coop). L’indication de la provenance faisait défaut sur deux produits (Hornbach et Landi). Or, le basilic en pot étant considéré comme une denrée alimentaire et non comme une plante ornementale, cette indication aurait dû être présente.
Second constat également réjouissant: tous les basilics analysés sont conformes aux valeurs légales dictées par l’Office fédéral de la santé publique. Huit d’entre eux, dont les quatre produits bio, ne présentent même aucune trace de pesticides (voir tableau).
Résultats à nuancer
Les herbes aromatiques sont donc des denrées totalement sûres? «Pas tout à fait, nuance Didier Ortelli, chimiste cantonal délégué à Genève. Les analyses de fines herbes que nous effectuons ponctuellement montrent des taux de non-conformité plus élevés. Il y a quatre ans, ce taux était de 40%, avec récemment une nette amélioration, puisqu’il est de 19% pour 2008.»
Les bons résultats de notre test révèlent donc l’importance d’acheter des herbes aromatiques de saison, mais aussi de provenance suisse: «En raison des risques liés au transport, les producteurs sont tentés d’ajouter des fongicides pour éviter les moisissures sur ces plantes réputées fragiles», explique le chimiste.
Toutefois, malgré la conformité des échantillons analysés, des traces de pesticides ont été décelées dans trois pots (Do-it Garden de Migros, Jumbo et Landi) et dans un sachet (Denner). Dans le plant de Migros, des résidus d’aldicarb sulfoxide, dans une teneur inférieure à la valeur tolérée (soit moins de 0,02 mg/kg), ont été trouvés. Comment Migros justifie-t-elle la présence de ce fongicide, classifié comme neurotoxique? «Nous ne traitons jamais le basilic avec cette substance, mais elle est utilisée légalement sur des plantes fleuries à massif. Lors de forte chaleur, comme en mai, ce produit peut s’échapper sous forme gazeuse et se déposer sur des cultures de basilic proches», explique Maryvonne Monnier de Migros.
Jumbo admet le recours à l’iprodione (fongicide reconnu cancérogène), décelé dans une quantité inférieure à 0,05 mg/kg, soit bien en dessous de la valeur limite fixée à 10 mg/kg: «Fin avril, nous avons été contraints de traiter le basilic, pour lutter contre le botrytis, afin de ne pas perdre l’ensemble de la culture», commente Daniel Hübner, fournisseur de basilic pour Jumbo.
Chez Denner, on insiste sur le fait que les valeurs de thiacloprid (un insecticide toxique pour le foie et l’utérus chez les rongeurs), mesurées sur le basilic d’Israël (environ 0,02 mg/kg) sont nettement inférieures aux valeurs limites (3 mg/kg) fixées par l’Ordonnance sur les substances étrangères et les composants. «Le producteur a utilisé ce produit pour combattre les mouches blanches, mais les résidus sont une exception», déclare Anita Daeppen Steinemann, responsable de la communication de Denner.
En revanche, Ernst Hunkeler, de Landi, conteste les traces (environ 0,008 mg/kg; valeur de tolérance fixée à 2 mg/kg) de metalaxyl, un fongicide trouvé dans ses pots: «Selon les normes Suisse Garantie, les traitements de chaque culture sont répertoriés. Nous pouvons prouver que nous n’avons pas eu recours à ce fongicide.»
Utilisation prouvée
Dans deux extraits de basilic d’Israël (en rouge dans notre tableau), les quantités décelées sont plus importantes. Une preuve pour Didier Ortelli, qu’«il ne s’agit pas d’une simple contamination, mais que des pesticides ont bien été utilisés».
Le basilic coupé de Manor contient en effet du thiacloprid, à hauteur d’environ 1,3 mg/kg (valeur limite: 3 mg/kg). Manor ne dément pas. Les feuilles en barquette de Coop contiennent environ 0,29 mg/kg (valeur de tolérance 2 mg/kg) d’indoxacarb, insecticide reprotoxique quand il est administré à dose élevée chez le rat. De surcroît, cet échantillon contient un deuxième insecticide: l’acetamiprid, présent ici en faible dose, mais qui, chez l’animal, entraîne des effets neurotoxiques. Coop souligne qu’«avec ces résultats, on est encore loin des tolérances admises».
Varier les produits
Même si tous les producteurs sont légalement irréprochables, le consommateur peut rencontrer, sans le savoir, des traces de pesticides, dans son alimentation. Par mesure de précaution, Didier Ortelli conseille de consommer des fines herbes fraîches en saison, mais aussi de varier les produits et les producteurs, afin de diminuer le risque d’absorber des denrées traitées. Notons que dans les plants de basilic, les résidus de pesticides se dégradent avec le temps ou se diluent avec la repousse de la plante.
Elodie Lavigne
Pour télécharger le tableau comparatif des produits, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
Les vertus des herbes aromatiques
Comme les fruits et légumes, les herbes aromatiques sont riches en fibres alimentaires, en sels minéraux et en vitamines. Le basilic se distingue par sa teneur élevée en fer. Or, contrairement aux fruits et légumes, le basilic et ses cousins (persil, thym, romarin, ciboulette, etc.) sont consommés en faibles quantités. A moins d’en ajouter abondamment, on ne peut donc pas compter entièrement sur les herbes aromatiques pour combler les besoins quotidiens en nutriments.
Elles ne sauraient d’ailleurs remplacer l’une des cinq portions de fruits ou légumes par jour. La Société suisse de nutrition (SSN) recommande toutefois de les utiliser largement dans les préparations et de les varier le plus possible. «De par leur richesse en arômes, elles permettent de limiter l’utilisation de sel, ce qui constitue un atout pour la santé», souligne Mureil Jaquet, diététicienne à la SSN.