Le Panadol et l’aspirine sont deux médicaments antidouleur vendus sans ordonnance dans les pharmacies suisses.
⇨La version «Extra» du premier contient 500 mg de paracétamol, ce qui ne surprend guère, mais aussi 65 mg de caféine, ce qui est plus étonnant.
⇨La maison Bayer est plus explicite, puisque l’une des variantes de son produit phare se nomme «Aspirine caféine» et contient, elle aussi, 65 mg de caféine pour
650 mg d’acide acétylsalicylique.
Et ce ne sont que deux exemples! De fait, la caféine est couramment utilisée comme adjuvant aux substances actives utilisées pour les médicaments antidouleur, car elle a la réputation de renforcer leur efficacité. Coup commercial dans un monde extrêmement concurrentiel ou faculté confirmée par la recherche scientifique?
Revue de 20 études
Une récente revue de la très rigoureuse Collaboration Cochrane (lire encadré, à droite) plaide plutôt pour la deuxième solution. Les auteurs ont analysé une vingtaine d’études où plusieurs milliers de personnes ont traité leurs douleurs (de dents, de tête, postopératoire, lors des règles, etc.) pour moitié avec un analgésique combiné avec de la caféine, pour l’autre moitié avec l’analgésique seulement.
Le verdict est sans appel, même s’il n’est pas aussi spectaculaire que certains auraient pu l’espérer: le nombre de personnes soulagées est supérieur de 10% avec plutôt que sans caféine. Et cela sans distinction des maux pour lesquels le médicament a été pris ou la substance active qui le compose (paracétamol, ibuprophène, acide acétylsalicylique, etc.).
Un simple café
Autrement dit: en ajoutant une dose de caféine de 100 mg environ, soit l’équivalent d’une grande tasse de café, à une dose standard d’analgésique, il semble bien qu’on renforce son efficacité, sans réel problème pour le patient, puisqu’une consommation quotidienne de caféine inférieure à
500 mg n’est pas nocive pour la santé, son influence sur les troubles du sommeil exceptée. Le professeur Philippe Ryvlin, chef du Département des neurosciences cliniques du CHUV, le confirme: «L’effet est certes modeste, mais cliniquement important. Autrement dit: les patients qui seront soulagés grâce au renfort de la caféine sont peu nombreux, mais cette combinaison leur sera vraiment bénéfique.»
Et nul besoin pour cela d’acheter des produits combinés: la personne souffrante peut sans autre avaler son antidouleur, tout en buvant un café normal. Elle pourra ainsi choisir un générique et faire une nette économie (exemple: une boîte de Dafalgan de 16 comprimés coûte 2.60 fr. sur
vitradrogerie.ch, contre 9.60 fr. pour un emballage de 10 comprimés de Panadol Extra).
Christian Chevrolet
Experts: Des preuves, s’il vous plaît!
La Collaboration Cochrane est une organisation internationale formée de professionnels de la santé de quelque 120 pays, complètement indépendante des entreprises commerciales dans le domaine. Ses revues systématiques, qui passent au peigne fin toutes les études connues sur un sujet précis, afin de confirmer ou d’infirmer des conclusions parfois médiatisées à outrance, sont d’une rigueur inattaquable. Elles permettent de conclure à l’efficacité, ou non, d’un traitement, mais souvent aussi à l’absence de données scientifiques suffisantes pour porter un quelconque jugement (lire encadré ci-dessous).
La section suisse est née en 2010. Elle est basée à Lausanne, à l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive. Son directeur, le professeur Bernard Burnand, a récemment participé au forum «Recherche médicale: comment le dire au public?» organisé par Bon à Savoir au Salon du livre.
Dossier pratique: 100 hypothèses, 100 réponses
Dernier-né de notre collection de guides pratiques, «Vite dit… Pas toujours prouvé» est issu de la collaboration des journalistes scientifiques du site medizin-transparent.at et de la section autrichienne de Cochrane (lire encadré ci-dessus). Il reprend 100 hypothèses qui sont souvent devenues autant d’idées reçues sur la médecine:
⇨ la vitamine D permet-elle de lutter contre les douleurs liées à la fibromyalgie?
⇨ le glutamate provoque-t-il des intolérances alimentaires?
⇨ existe-t-il des traitements efficaces contre la cellulite?
⇨ etc.
Pour chacune d’entre elles, les auteurs passent sous revue toutes les études scientifiques publiées sur le sujet et posent un verdict totalement indépendant. Ils concluent (souvent) à la fragilité des preuves, notamment parce que les études sont influencées ou peu fiables, posent parfois carrément un avis contraire à ce que l’opinion publique en a retenu ou, à l’inverse, comme dans le cas de la caféine associée aux analgésiques (lire ci-dessus), confirment l’efficacité du traitement.
Un guide pratique écrit dans un langage simple, clair et précis, à lire et à relire pour se tenir au courant des succès et des échecs de la recherche médicale.
Commande en page 36, 5 fr. de rabais pour nos abonnés.