Il est loin, le temps où nous glissions des bulletins de versements (verts) dans un carnet de récépissés (brun) pour aller faire timbrer le tout aux PTT (lire encadré). Surfant sur le succès du compte postal (jaune), PostFinance fait le grand saut pour devenir, en 2013, une société anonyme de droit privé.
Après des années de débats, Berne a en effet décidé d’octroyer une licence bancaire à la filiale de La Poste. Mais la discussion autour de ce nouvel acteur financier, très politisée, a mis au jour de telles réticences que l’institution n’aura pas les coudées franches.
Gendarme des marchés
En tant que filiale du groupe La Poste, PostFinance est aujourd’hui du ressort du Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (Detec). Son statut de SA privée la fait passer, l’an prochain, sous la surveillance de la Finma (Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers). La licence bancaire devrait suivre avant l’été 2013 avec effet rétroactif au 1er janvier. Mais attention: les actions de PostFinance restent dans les mains de La Poste et, indirectement, de la Confédération.
Cette métamorphose n’aura, dans un premier temps, pas de conséquences pour la clientèle, les produits restant identiques. En effet, comme l’activité de PostFinance se limitait au trafic de paiements, elle a dû s’appuyer sur des partenaires pour se développer et proposer, notamment, une prévoyance privée ou des fonds de placement. Mais, désormais, c’est elle qui pourra développer une plateforme boursière ou gérer les dépôts de fonds de placement.
Il lui reste, en revanche, interdit – et c’est là le compromis obtenu par les milieux économiques – d’offrir elle-même des crédits hypothécaires ou d’avancer de l’argent à des entreprises, une prestation réservée aux banques à part entière. L’institution a cependant déjà trouvé la parade en s’associant avec la Banque Valiant et Münchener Hypothekenbank dans ces secteurs.
Garantie maison
Aujourd’hui encore, c’est Berne qui doit assurer les arrières de PostFinance au cas où elle viendrait à faire faillite, prenant en charge la garantie des dépôts (100 000 fr. par client). Or, pour prétendre à sa licence bancaire, l’institution devra disposer de fonds propres en suffisance pour faire face aux coups durs. La Finma n’a pas encore fixé leur montant, mais il devrait se situer entre 4 et 5 milliards de francs, constitués en grande partie avec les solides réserves mises à disposition par La Poste. Pendant un délai transitoire de cinq ans, la Confédération gardera toutefois le rôle de second filet.
La transformation devrait donc s’effectuer en douceur, mais le débat est loin d’être clos. Les milieux économiques estiment, en effet, que la messe est dite, alors que la gauche et les dirigeants de PostFinance ne voient là qu’une étape intermédiaire vers une véritable banque postale. Notamment parce que le géant jaune, dont la fortune sous gestion frise désormais les 100 milliards de francs, est contraint d’investir la moitié de cet argent à l’étranger, faute de pouvoir proposer des crédits en Suisse.
Claire Houriet Rime
Du cheval à la banque
Fondée en 1849 pour unifier les postes des différents cantons, La Poste s’est étoffée en 1920 avec la téléphonie et la télégraphie: les PTT étaient nés. Ils ont duré jusqu’en 1998, date à la laquelle leurs activités ont été scindées en deux sociétés anonymes de droit public toujours détenues par la Confédération: à Swisscom, le secteur des télécommunications, à La Poste, l’acheminement des lettres et des colis, les cars postaux et le trafic des paiements. Ce dernier secteur forme l’unité PostFinance qui deviendra, en 2013, une société anonyme de droit privé dont l’actionnaire majoritaire reste La Poste.