A la fin du XVIIIe siècle, de jeunes artistes parisiens qualifièrent de «navet épluché» une statue en marbre de Apollon que Napoléon avait rapportée de Rome. Ils lui reprochaient sa blancheur et la forme lisse des membres sans musculature apparente. La comparaison se rapportait au navet blanc de Croissy, plutôt qu’à la variété sphérique à collet violet, plus courante de nos jours. Par la suite, l’expression s’est appliquée aux peintures médiocres et enfin aux mauvais films.
Supplanté par la patate
De fait, le navet apparaît souvent comme un légume mal-aimé. Pourtant, les Grecs comme les Romains l’appréciaient et en cultivaient plusieurs variétés. En Europe, le navet occupa longtemps une grande place dans l’alimentation, en particulier parmi les classes les plus pauvres. Poussant facilement, il servait de nourriture aussi bien pour les hommes que pour les animaux. Cependant, le succès de la pomme de terre au XIXe siècle fit passer cette plante potagère au second plan.
Sous ses airs rustiques, le navet est pourtant délicieux, notamment en association avec d’autres légumes (carottes, petits pois, etc.). Légume d’hiver, il est traditionnellement présent dans les soupes et les ragoûts, comme le navarin d’agneau – qui lui doit son nom – ainsi que dans le couscous ou en purée pour accompagner le haggis, plat national écossais. Au printemps, on trouve de petits navets primeurs qui se dégustent aussi crus, râpés, en carpaccio ou en salade. On les choisira sans tache, pas trop gros – car trop fibreux et amer – avec une peau bien lisse. Depuis quelques années, de grands chefs comme Ducasse et Robuchon ont remis au goût du jour cette racine et proposent des plats alléchants.
Des fibres avant tout
Sur le plan diététique, si ce légume de la famille des choux n’a rien d’exceptionnel, il ne mérite pas pour autant d’être snobé. Riche en fibres, il est par ailleurs bien pourvu en substances soufrées susceptibles d’exercer une action préventive contre certains cancers. On relèvera enfin une teneur en calcium appréciable et une quantité de vitamine C substantielle, à condition de le manger cru.