Le prince de l’étiquette
Le champagne rend euphorique, ça, on le sait. Il place aussi la majorité de ses consommateurs sur un pied d’égalité, celui de l’ignorance. A moins d’apprendre à en déchiffrer les étiquettes, strictement réglementées.
Sommaire
Bon à Savoir 12-2002
04.12.2002
Dernière mise à jour:
31.03.2023
Blaise Guignard
1. La dénomination «champagne»
Appellation réglementaire, d’origine et contrôlée — même si le sigle AOC n’apparaît jamais. Seul le vin mousseux produit dans le vignoble de Champagne (34 000 hectares) peut porter ce nom, à condition de respecter 35 règles strictes de qualité: limites de rendement, trois cépages uniquement, vendanges à la main, etc.
2. La marque
La particularité du champagne est d’arborer un nom de marque plutôt que de terroir. Cela...
1. La dénomination «champagne»
Appellation réglementaire, d’origine et contrôlée — même si le sigle AOC n’apparaît jamais. Seul le vin mousseux produit dans le vignoble de Champagne (34 000 hectares) peut porter ce nom, à condition de respecter 35 règles strictes de qualité: limites de rendement, trois cépages uniquement, vendanges à la main, etc.
2. La marque
La particularité du champagne est d’arborer un nom de marque plutôt que de terroir. Cela s’explique notamment par le fait que le champagne est d’abord un vin d’assemblage: on mélange les vins issus de plusieurs vignobles et de plusieurs années pour obtenir les qualités recherchées. Les champagnes millésimés sont l’exception plutôt que la règle.
La marque reprend le nom de l’élaborateur (la personne morale ou physique qui produit le vin). Les marques les plus connues sont celles des «grandes maisons», une centaine au total, représentant les deux tiers des ventes totales de champagne et plus de 90% des exportations. En termes économiques, l’équivalent annuel de 20 Airbus...
3. Le nom de l’élaborateur
Toujours suivi d’un code de 2 lettres et de 6 chiffres — NM 137 001 dans notre exemple. Il s’agit de l’immatriculation auprès du Comité interprofessionnel des vins de Champagne (CIVC). Les initiales désignent le type d’élaborateur, par exemple:
RM Récoltant-manipulant Société ou personne qui élabore les seuls vins issus de sa récolte
NM Négociant-manipulant Société ou personne qui achète tout ou partie des raisins ou des vins pour élaborer son propre vin
ND Négociant-distributeur Négociant qui achète des vins en bouteilles terminées sur lesquelles il appose son propre étiquetage
MA Marque d’acheteur Marque sous laquelle un distributeur commercialise du champagne (pas nécessairement issu des mêmes producteurs).
4. Le volume et le degré alcoolique
Le volume, indiqué en ml, doit respecter une hauteur de caractères de 4 mm pour les demies (375 ml) et les bouteilles (750 ml). Le degré alcoolique est en pour-cent du volume total.
5. Les cuvées
«Cuvée spéciale», «Cuvée prestige», «Cuvée Charles VII», etc., désignent un vin élaboré à partir du 1er jus tiré au pressoir, et ne sont commercialisés qu’après 5 ans en cave.
Vin blanc élaboré souvent avec du raisin rouge, le champagne demande un pressurage sophistiqué pour éviter de tacher le jus et de lui donner de l’amertume. Le moût est donc fractionné en «cuvée» (1er jus), puis en «suites» (1re taille et
2e taille, soit 2e et 3e jus). Les vins issus de cuvées plus riches en sucres et en acides vieillissent mieux — même si le champagne n’est pas un vin de garde.
6. Le dosage
Quantité de «liqueur d’expédition» (mélange sucre-alcool) ajoutée au vin, qui détermine son caractère — du plus doux au plus sec. Les dénominations comme «brut» ou «sec» dépendent d’une tabelle stricte des dosages, et ne doivent pas être suivies ou précédées d’un qualificatif (exemple: «Grand brut»).
Dénomination Liqueur d’expédition en g/l
Extra Brut 0 à 6
Brut 0 à 15
Extra Dry 12 à 20
Sec 17 à 35
Demi-Sec 33 à 55
Doux plus de 55
Le millésime
Généralement le grand absent (voir «la marque»). Seules les meilleures années donnent lieu à des vins millésimés, plus typés... mais pas forcément meilleurs. Le millésime figure alors sur l’étiquette et sur le bouchon.
Les cépages
Les 3 cépages autorisés sont le pinot noir, le pinot meunier (noirs à jus blanc) et le chardonnay (blanc). Ils sont souvent assemblés (pas de mention sur l’étiquette), parfois seulement deux d’entre eux, ou un seul : «blanc de blancs» (chardonnay tout seul), «blanc de noirs» (pinot noir seulement). Le rosé est obtenu soit par macération des peaux de raisins noirs dans le moût («rosé de saignée»), soit — et c’est particulier au champagne — par ajout de vin rouge champenois au moût.
Le cru
Les étiquettes ne portent en général aucune mention de cru, le vin résultant d’assemblages.
Les 313 villages producteurs de champagne sont toutefois classés selon une échelle des crus basée sur la valeur marchande du raisin. 17 communes (13% du vignoble total) méritent l’appellation «Grand Cru» (la plus prestigieuse) et 40 communes l’appellation «1er Cru».
Un champagne ne peut s’afficher «Grand Cru» que s’il n’est élaboré qu’à partir de raisins provenant de communes ainsi classées; idem pour le «1er Cru».
Les champagnes Grand Cru assemblés ne peuvent pas contenir de pinot meunier (voir «les cépages»).
Blaise Guignard