Levée de boucliers dans les cabinets de physiothérapie: une pétition munie de 283 000 signatures a été déposée, à la mi-novembre à Berne, pour protester contre la tarification mise en consultation par le Conseil fédéral (lire encadré). La principale pierre d’achoppement est l’option minimale prévoyant des traitements de 20 minutes.
«Cette proposition dénote une méconnaissance totale du travail sur le terrain», dénonce Thierry Smets, président de l’organisation PhysioVaud. «C’est un manque de respect envers les patients: comment relire le dossier, les écouter, proposer un exercice et vérifier qu’il est compris en 20 minutes? Accueillir et traiter trois patients par heure, c’est vraiment du travail à la chaîne!»
«Il est faux de dire que la séance durera 20 minutes, il ne s’agit que d’un minimum. La structure tarifaire permet évidemment de faire des séances plus longues. Par ailleurs, il est normal que les assureurs-maladie souhaitent plus de transparence dans la structure tarifaire afin de mieux pouvoir détecter des cas de facturation abusive», rétorque Adrien Kay, porte-parole de Curafutura, l’une des faîtières des assurances maladie.
«Ce système permettra de faire payer les prestations réellement fournies – ni plus, ni moins –, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui», fait valoir Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse, autre faîtière des assureurs. Le réajustement des tarifs ne tombe en effet pas du ciel: le coût de la physiothérapie pour l’assurance maladie de base a presque doublé en dix ans.
Maintien à domicile
«La hausse s’explique en partie par la tendance à recourir davantage à des traitements conservatoires, ce qui évite parfois des interventions plus invasives, telles que des opérations chirurgicales: une évolution à saluer», concède Adrien Kay.
«Cette augmentation doit être vue comme positive. Elle dénote une prise en charge ambulatoire adéquate pour sortir plus vite de l’hôpital et retarder l’entrée en EMS», renchérit Simon Zurich, vice-président de la Fédération suisse des patients. «Les cabinets font un gros travail de prévention et il serait dommage de raccourcir le temps à disposition. Les tarifs de la profession sont en outre très raisonnables par rapport à d’autres prestataires de soins.»
Trop flou
Le système actuel laisse toutefois les acteurs de la santé sur leur faim. La Fédération des patients appelle à une harmonisation des prestations et à une plus grande transparence: il arrive, aujourd’hui déjà, que la séance ne dure que vingt minutes. Ou qu’un thérapeute accueille deux clients en même temps et facture la prestation à double.
«L’augmentation des coûts est artificielle. Elle se fait au détriment des payeurs de primes, sans apporter de plus-value aux patients», avertit Christophe Kaempf. «Les critères justifiant de prolonger les séances ne sont pas assez précis et le système en vigueur laisse trop de marge pour optimiser la facturation en faveur des physiothérapeutes. Il est judicieux de préciser les règles», ajoute Adrien Kay.
Ce message passe très mal dans les cabinets submergés de paperasse. Thierry Smets insiste sur l’ampleur du travail administratif, en coulisses. «Les cas deviennent toujours plus complexes, ce qui implique de travailler en réseau. Il faut souvent prendre contact avec le médecin, le réseau de soins à domicile et la caisse maladie. Impossible de régler tout ça en 5 minutes!»
La procédure de consultation a pris fin à la mi-novembre et le dernier mot reviendra au Conseil fédéral.
Claire Houriet Rime
Ce qui devrait changer
Les tarifs de physiothérapie ambulatoire se basent, aujourd’hui, sur des forfaits par séance, sans précision quant à la durée du traitement. Le Conseil fédéral a mis en consultation deux variantes prévoyant des rendez-vous entre 20 minutes et 45 minutes, jusqu’à 75 minutes selon les cas. Physioswiss craint de voir la formule la plus courte s’imposer sous la pression des caisses maladie.
Aucun terrain d’entente n’a, en effet, pu être trouvé jusqu’ici entre l’association faîtière Physioswiss et les assureurs. Les négociations achoppent notamment sur la possibilité, pour les praticiens, de disposer d’une position tarifaire leur permettant de facturer le temps en l’absence du patient. De leur côté, les caisses maladie exigent de voir la comptabilité des cabinets: un vrai dialogue de sourds.
Dans la pratique actuelle, les cabinets sont sensés consacrer 30 minutes à chaque patient et 45 minutes aux cas complexes, dont 5 attribuées à l’étude du dossier. Une demi-heure de traitement est facturée entre 45.60 fr. et 49.40 fr. selon les cantons.