Apprécié des consommateurs pour sa bonne chair, le thon permet de diversifier agréablement l’alimentation. Pourtant, ce poisson carnivore vivant dans les océans ingère une grande quantité de polluants présents dans l’environnement marin. Par la force des choses, ces métaux lourds, comme le mercure ou le cadmium, ont toutes les chances de se retrouver dans nos assiettes.
Or, les teneurs maximales admises varient selon les pays. Les plus stricts en la matière sont les autorités sanitaires allemandes, qui vont jusqu’à en limiter sérieusement la consommation pour les femmes enceintes et les jeunes enfants.
Face à ces recommandations alarmistes, nous avons voulu en savoir plus. Avec notre partenaire alémanique K-Tipp, nous avons acheté puis envoyé à un laboratoire berlinois spécialisé en recherches alimentaires, douze boîtes de thon parmi les plus vendues en Suisse. L’objectif: quantifier la présence de cadavérine, de mercure, de cadmium et de composés d’étain dans la chair de ces poissons scombridae, menacés de surpêche (lire l’encadré).
Le premier constat rassure
Les miettes de thon analysées (voir tableau) ne comportent pas de composés d’étain: seules quelques traces ont été décelées dans le Thon blanc à l’huile d’olives Albo, de Migros. Il en va de même du cadmium, dont la présence s’est avérée négligeable: les valeurs les plus élevées que nous avons trouvées demeurent au-dessous des normes en vigueur.
Le second constat inquiète
En revanche, les boîtes analysées contenaient du méthylmercure. Certes, les normes en vigueur en Suisse sont respectées, mais le Conseil national de la recherche américain se montre plus strict: une personne de 60 kg ne devrait pas en ingérer plus de 42 mg/semaine.
Or, les marques Fancy A, de Migros, et Ortiz, de Globus, sont à peine en dessous de ces valeurs. Il est donc vivement conseillé d’en limiter la consommation et, d’une manière générale, de ne pas multiplier les plats qui contiennent du thon (salade de thon, sushi, carpaccio, etc.). Interpellés, Migros et Globus s’en tiennent au fait que leurs boîtes respectent les normes sanitaires helvétiques.
Fraîcheur en cause
Par ailleurs, notre test a éveillé des soupçons quant à la fraîcheur de certains produits: deux marques ont affiché un taux élevé de cadavérine (Albo et Fontaine), composé organique issu de la dégradation des protéines dans les poissons morts. En revanche, nous n’avons trouvé aucune trace d’histamine, dont la présence aurait révélé une dégradation plus avancée.
Confrontées à ces résultats, Migros (Albo) s’est montrée très préoccupée, mais indique qu’on ne peut pas en déduire que la matière première était de moindre qualité. A l’heure de mettre sous presse, nous n’avions toujours pas de réactions de l’entreprise Fontaine: «Une enquête interne doit nous permettre de prendre position, mais celle-ci requiert du temps», nous a-t-on simplement indiqué.
Beat Camenzind / zey
Effets sur la santé des substances analysées
Le laboratoire berlinois spécialisé en recherches alimentaires a analysé les douze boîtes de thon selon les critères suivants:
- Cadavérine – Ce composé organique permet d’évaluer la fraîcheur du poisson avant même sa mise en boîte. Il permet également de déterminer la qualité des conditions de stockage.
- Cadmium – Les métaux lourds toxiques que l’on trouve dans la nature proviennent essentiellement de l’industrie. Le cadmium est considéré comme nocif, puisqu’il peut endommager le foie, provoquer une insuffisance rénale, voire favoriser l’apparition de cancer. Selon les autorités sanitaires suisses, sa teneur dans le thon ne doit pas excéder 0,1% mg/kg.
- Mercure – En consommant du thon, l’organisme humain ingère du mercure. Ses effets sur la santé sont établis: il endommage le système nerveux central et peut provoquer des paralysies, la cécité, la surdité, voire des retards de développement. L’Allemagne se montre plus alarmiste que la Suisse, puisque les autorités sanitaires recommandent aux femmes enceintes, ainsi qu’à celles qui allaitent, de limiter sérieusement la consommation de thon, voire de ne plus en manger.
- Composants de l’étain – Le dibutylétain et le tributylétain proviennent essentiellement des navires, en particulier de leur peinture. Ces substances sont soupçonnées d’endommager les organes humains et le système immunitaire.