Retrouver un visage lisse: voici le rêve de nombreuses femmes (et hommes) de tout âge et de tout milieu social. Or, les traitements disponibles sur le marché pour gommer les rides ne sont pas toujours à la hauteur des espérances qu’ils font naître. Et la publicité omet, en général, de signaler que des effets secondaires peuvent apparaître et que, dans le pire des cas, certains patients restent défigurés à vie (voir photos ci-contre).
C’est pourquoi, il vaut mieux savoir au moins à quoi on s’expose, avant de dépenser son argent pour recourir aux artifices de la médecine: cela d’autant que dans ce domaine, elle représente un marché juteux, qui profite à certains praticiens pas toujours aussi compétents qu’on pourrait l’exiger.
Différents produits
Il existe trois catégories de traitements utilisés en injection pour atténuer les rides:
• Les produits de comblement antirides non résorbables à effet durable, comme le silicone, l’acrylamide ou le plexiglas, qui peuvent provoquer des effets secondaires irréversibles (lire en page 7).
• Les produits de comblement antirides résorbables (collagène, acide hyaluronique, etc.). Comme ils sont progressivement éliminés par l’organisme, leur efficacité se limite à quelques mois (au mieux un ou deux ans). Avantage: les éventuels effets indésirables (allergie, bosse sous la peau) finissent aussi par disparaître.
• Et enfin le Botox. Contrairement aux deux gammes de produits ci-dessus, il n’agit pas par effet de remplissage, mais empêche les muscles de se contracter et de former des rides.
Ce produit est souvent diabolisé (à tort), à cause de la substance qu’il contient: la toxine botulique. Présente dans les conserves avariées, elle est susceptible de bloquer le système respiratoire de celui qui en aurait ingéré par mégarde. Mais diluée en infime quantité dans le Botox, elle ne paralyse que localement les terminaisons nerveuses des muscles. On l’utilise depuis une trentaine d’années environ pour traiter notamment la transpiration excessive, le strabisme ou certains troubles neurologiques. Et depuis une dizaine d’années pour gommer les rides frontales et les pattes-d’oie.
Risques limités
«Bien appliqué, le Botox ne présente aucun danger, affirme Alain Bezzola, dermatologue membre du comité de la Société suisse de chirurgie dermatologique. Mais une mauvaise utilisation peut, par exemple, paralyser la paupière.» Un effet secondaire très gênant, mais provisoire, puisque l’efficacité du Botox est limitée à environ 4 à 6 mois. Inconvénient: le traitement, qui coûte entre 200 et 1000 fr. environ (selon le nombre d’injections), doit être refait à intervalles réguliers. «Et si le Botox enlève les rides, il peut aussi figer les traits, remarque Daniel Hohl, professeur associé au Service de dermatologie et de vénéréologie du CHUV. Un visage lisse et sans expression, est-ce vraiment là un idéal de beauté?»
Flou juridique
Contrairement aux produits de comblement antirides classés dans les dispositifs médicaux, le Botox est considéré comme un médicament. A ce titre, il doit être enregistré auprès de Swissmedic pour être prescrit en Suisse. Or, il est certes homologué pour certains traitements médicaux – en ophtalmologie et en neurologie notamment – mais pas pour atténuer les rides. Les médecins peuvent toutefois l’utiliser off label, soit sous leur propre responsabilité.
En cas de problème, qu’est-ce que cela implique sur le plan juridique? Pas grand-chose en réalité. «La responsabilité du médecin est engagée quel que soit le médicament utilisé, off label ou non, remarque Véronique Fontana, avocate conseil de l’Organisation suisse des patients (OSP). Mais si le médecin n’a pas informé son patient des éventuels effets secondaires et du fait que le Botox n’est pas reconnu en Suisse pour un usage cosmétique, cela jouera peut-être un rôle.» Bref, l’usage off label n’est pas très clair sur le plan juridique.
Publicité illégale
En revanche, les publicités pour le Botox sont clairement illégales. «Qu’un médecin prescrive le Botox off label pour atténuer les rides dans le cadre d’un conseil individualisé, parce qu’il estime que c’est le meilleur traitement, passe encore, remarque Jean-Christophe Méroz, juriste à Swissmedic. Mais que la promotion de ces traitements se fasse à large échelle dépasse les limites de la légalité.»
Autre problème: ces injections ne devraient pas être effectuées par des esthéticiennes. «La déontologie de notre profession l’interdit, souligne Helga Biderbost, présidente de l’Association suisse des esthéticiennes CFC. Pourtant, certaines le font sous le couvert d’un médecin dans des instituts privés.» Or, le Compendium suisse des médicaments précise que le Botox ne devrait être utilisé que par des médecins expérimentés. «Si un médecin délègue un tel acte médical, on pourrait donc admettre qu’il n’a pas agi selon les règles de l’art, estime M. Méroz de Swissmedic. Et dans ce cas, l’art. 55 du CO relatif à la responsabilité de l’employeur pourrait s’appliquer.» Conclusion: dans le domaine de la médecine esthétique, le patient devient un client, qui a intérêt de connaître les ficelles du métier.
Sophie Reymondin
en résumé
Sondez les compétences du médecin
Finalement, c’est à chacun de décider s’il souhaite ou non recourir à la médecine esthétique. Mais il s’agit au moins de respecter quelques règles de prudence, qui peuvent éviter de cruelles déceptions:
• Renoncez absolument aux produits de comblement antirides non résorbables. Quoi qu’en disent certaines publicités (ou même certains médecins), ils peuvent provoquer des dommages irréversibles.
• Même les produits à effet non durable (y compris le Botox) présentent certains risques. En particulier quand ils sont mal injectés. N’hésitez donc pas à interroger votre médecin sur ses compétences et, en particulier, sur son expérience avec le produit qu’il propose. Un praticien sérieux doit toujours avertir son patient des risques du traitement. Finalement, le bouche à oreille reste le moyen le plus sûr pour éviter les mauvaises surprises.
• Les injections antirides ne doivent être pratiquées que par des médecins – en aucun cas par des esthéticiennes!
• Demander le prix du traitement, la durée de son efficacité et prenez le temps d’y réfléchir.
2e encadré
produits non résorbables
Certains patients restent défigurés à vie
Les produits de comblement antirides non résorbables sont unanimement déconseillés par les médecins et les autorités sanitaires. L’Institut suisse des produits thérapeutiques Swissmedic a même publié à leur sujet une mise en garde officielle dans le bulletin OFSP du 22 avril 2002. Jugés trop dangereux – du moins pour des indications cosmétiques – ces produits sont pourtant autorisés et encore utilisés en Suisse!
Peser les risques
«On ne peut pas enlever ces produits du marché, même s’ils peuvent provoquer des effets secondaires irréversibles. Car ils constituent un instrument indispensable à la chirurgie pour reconstruire des visages défigurés, justifie Isabel Scuntaro, adjointe au chef de la Division des dispositifs médicaux de Swissmedic. En revanche, on estime que le risque est trop élevé pour des utilisations d’ordre cosmétique. Finalement, c’est au médecin et au patient d’évaluer le danger de ces traitements en fonction du bénéfice escompté.»
Trop dangereux
Comme leur nom l’indique, les produits non résorbables (silicone, plexiglas, acrylamide, etc.) ne sont pas éliminés par l’organisme et ils apportent donc un effet durable: avantage à double tranchant, puisque les effets secondaires qui apparaissent dans environ
2 à 3% des cas restent aussi à vie, notamment des boules sous la peau et de vilaines boursouflures accompagnées de rougeurs (voir photos en page 6). «Même une intervention chirurgicale ne permet pas toujours d’y remédier, remarque Denys Montandon, spécialiste FMH en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique à Genève. Et si on arrive à enlever certains nodules, d’autres peuvent apparaître des années plus tard.»
Prétendument fiables
C’est pourquoi les médecins renoncent, en principe, à proposer les produits non résorbables pour combler les rides. «Mais certains y recourent encore, regrette Denys Montandon. Il faut dire que les fabricants ne lésinent pas sur les arguments publicitaires pour vanter leurs produits durant les congrès de médecine. Et ils n’hésitent pas à prétendre qu’ils sont sans danger.»
D’ailleurs, même les produits résorbables (collagène, acide hyaluronique, etc.) provoquent parfois des réactions indésirables. «Le collagène, notamment, peut être responsable d’allergies», remarque le Dr Montandon. Mais, au moins, ces effets disparaissent-ils dans un délai de 4 à 12 mois environ, quand la substance de comblement a été éliminée par l’organisme. Cela signifie aussi que les injections doivent être refaites régulièrement.
Finalement, entre les dangers des traitements permanents et l’effet très passager des produits résorbables – sans compter les milliers de francs qu’ils coûtent – l’enjeu n’en vaut pas forcément la chandelle.