Vu l’excellente qualité de l’eau qui coule de nos robinets, personne en Suisse n’aurait besoin de l’acheter en bouteilles. Il n’en reste pas moins que le flot des ventes d’eau minérale ne cesse de croître. Ainsi, en 2001, chaque Helvète en a bu 106 litres. Dix ans avant, il se contentait encore de 72 litres.
Une crue (de +47%) due notamment à l’afflux d’eaux étrangères meilleur marché. Pourtant, le Château la Pompe, avec un prix moyen de 1,60 fr./1000 l, revient mille fois (!) moins cher que sa cousine minérale.
Que l’eau provienne de nos sources ou de l’étranger, les dispositions légales sont plus sévères pour la minérale que celle du robinet: elle doit provenir d’une seule source, avoir une origine géologique connue, présenter un taux stable en minéraux et, enfin, être chimiquement impeccable et non traitée. Seul additif autorisé: le gaz carbonique.
Ce qui est interdit pour l’eau minérale fait partie du traitement courant de l’eau du robinet: deux-tiers de la quantité sont traités contre les germes par de l’ozone, du chlore ou des rayons UV (ultraviolets). Ce traitement représente probablement la différence principale entre les deux sortes d’eau.
Les eaux testées:
Pour l’Année internationale de l’eau proclamée par l’ONU, Bon à Savoir a fait analyser 18 eaux minérales, dont les marques les plus vendues des producteurs suisses: Henniez, Swiss Alpina, Valser et Aproz.
Les grandes marques étrangères, telles Evian et San Pellegrino, font aussi partie du flot. Tout comme des eaux rares comme la Hildon, et les très bon marché telle la M-Budget.
Sept bouteilles sur les 18 sont enrichies en gaz carbonique, 11 sans gaz et une seule, la Heidiland, ne devrait pas être nommée eau minérale, car elles est enrichie d’oxygène, ce qui n’est pas autorisé pour l’eau minérale. De plus, l’utilité de cette substance est discutable.
Les substances recherchées:
L’analyse de l’institut allemand Fresenius a porté sur les points suivants:
- la charge totale en germes et en germes nocifs pour l’homme tel l’Escheria coli (bactérie provoquant des coliques), des bactéries coliformes (spécifiques à l’appareil intestinal des animaux à sang chaud et des humains) et des streptocoques fécaux;
- la teneur totale en métaux lourds;
- la teneur en acétaldéhyde, transmis à l’eau par les bouteilles en PET;
- la teneur en substances minérales: a été mesuré l’écart entre la quantité déclarée et celle trouvée.
Pas de germes nocifs...
Bonne nouvelle, bien que le contraire eût été scandaleux: aucune eau ne contenait de germes nocifs. De même, la charge totale en germes était extrêmement faible. Ce n’est que quatre jours après l’ouverture de la bouteille (une analyse qui va au-delà de celles prescrites légalement) que certaines eaux affichaient des germes, mais inoffensifs. Rien d’anormal à cela, sachant que l’eau minérale n’est pas totalement exempte de germes, qui se multiplient naturellement quand on laisse «traîner» une bouteille entamée.
..mais de l’acétaldéhyde
Bien moins convaincantes: les valeurs trouvées lors de la recherche d’acétaldéhyde, qui se forme lors de la fabrication du PET. A noter qu’on en trouve aussi à l’état naturel, par exemple dans les fruits. Selon le mode de fabrication, le contenu de la bouteille et le stockage, cette substance peut se transmettre du PET au liquide. Une propagation favorisée encore davantage par le gaz carbonique. Si la teneur atteint 15 mg/l, cela peut altérer le goût. Or, beaucoup des eaux testées en affichaient davantage (Aproz, Henniez, Nendaz, San Pellegrino), et surtout la Swiss Alpina (avec 37 mg/l).
Divers fabricants concernés par ces trouvailles du laboratoire avancent que cette substance ne nuit pas à la santé, raison pour laquelle la Suisse n’a d’ailleurs pas fixé de valeur limite. Il n’en reste pas moins que cette substance n’a rien à faire dans de l’eau minérale, comme le constate le chimiste cantonal bernois Urs Müller. A son avis, les fabricants devraient s’efforcer de maîtriser le problème.
Enfin, les experts de l’Institut Fresenius ont mesuré la minéralisation (quantité de sels minéraux) des eaux. Jusqu’à 20% d’écart avec la quantité déclarée, elles obtenaient encore une mention «satisfaisant».
Mais au-delà, Urs Müller estime que c’est intolérable, puisque la minéralisation est un des principaux arguments de vente de ces eaux.
Rolf Muntwyler / ew