On pourrait penser qu’il suffit d’avoir l’estomac bien rempli pour se sentir rassasié. Il est vrai que les premiers signes de satiété sont émis lorsque les aliments arrivent dans l’estomac et commencent à dilater ses parois. Cela provoque l’envoi de messages qui empruntent la voie nerveuse pour parvenir au cerveau. Mais cette stimulation «mécanique» n’explique pas tout: quand on boit une grande quantité d’eau, l’estomac se dilate également, mais sans susciter une sensation de rassasiement durable.
C’est la libération progressive d’hormones spécifiques, au niveau de l’intestin grêle, qui induit une véritable satiété. Celles-ci parviennent à des neurones du cerveau situés dans l’hypothalamus. Ce petit organe de la taille d’une amande reçoit des signaux non seulement de tout l’appareil digestif, mais aussi du pancréas et des tissus adipeux. La leptine, par exemple, une des hormones sécrétées par la graisse, va informer l’hypothalamus que les réserves de lipides sont suffisantes. C’est donc une véritable avalanche d’informations que l’hypothalamus traite rapidement pour libérer, le moment venu, des substances neurochimiques qui vont entraîner un sentiment de satiété.
Trop forte envie de manger
Si nos ancêtres préhistoriques stockaient le moindre surplus en prévision des périodes de disette, ils n’étaient pas confrontés à la même abondance alimentaire. Aujourd’hui, toutes sortes de tentations favorisent la surconsommation. En première ligne, des produits industriels dont le sucre court-circuite les mécanismes de satiété. On ne consomme alors plus pour calmer sa faim, mais souvent pour répondre à l’envie de manger un aliment qui nous tente. Or, les signaux de rassasiement ne peuvent rien contre la faim «psychologique», cette envie de manger par pur plaisir ou par besoin de réconfort.
La vie contemporaine est aussi synonyme de stress et de manque de sommeil qui sont d’autres sources de troubles alimentaires. A terme, tous ces facteurs contribuent à dérégler le fonctionnement de notre métabolisme. Comme la satiété est une question extrêmement complexe, des grains de sable peuvent même se manifester sur le plan physiologique. Ainsi, pour certaines personnes obèses, l’envie de manger est totalement irrépressible, car les cellules de leur hypothalamus sont résistantes à la leptine et ne perçoivent, alors, plus ses signaux.
Doris Favre, diététicienne diplômée
Reconnaître la satiété
Manger un aliment procure un certain plaisir qui finit par s’éteindre quand on est rassasié. Mais on peut avoir faim pour un autre aliment: si une dernière bouchée de gratin ne nous dit plus rien, on peut néanmoins avoir envie de fraises. Autrement dit: nous sommes complètement rassasiés quand nos besoins nutritifs spécifiques sont couverts et qu’aucun aliment ne nous procure encore du plaisir. C’est la satiété. Pour la reconnaître, voici quelques conseils.
⇨ Prendre le temps de manger lentement et de bien mâcher les aliments. Poser ses services – ou son sandwich – toutes les deux ou trois bouchées est très efficace. Il faut vingt à trente minutes pour que le rassasiement puisse s’installer. La mastication permet aussi de mieux ressentir les signaux de satiété et d’apprécier la saveur des aliments.
⇨ Patienter avant de se resservir et apprendre à ne pas finir son assiette si l’on n’a plus faim.
⇨ Manger au calme, assis et attentif au contenu de son assiette.
⇨ Servir des portions raisonnables, directement sur assiette, de préférence de petite taille; inconsciemment, on a ainsi l’impression de manger davantage.
⇨ Choisir des aliments de qualité que l’on apprécie: se forcer à manger des haricots vapeur nature ne va pas forcément nous rassasier et augmentera le risque de grignoter quelque chose de nettement plus calorique.